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ous ceux qui considèrent avec amour et attention la situation de la communauté musulmane, sur le plan local comme sur le plan international, ressentent le besoin d’une réforme salutaire permettant aux musulmans de vivre pleinement selon leurs valeurs.
Entendons-nous bien : se réformer ici ne consiste pas à transformer notre religion ou à y installer d’inutiles dissensions. Non, il s’agit simplement de retrouver l’élan matinal de l’Islam, qui lui a donné tant de lumière et de force à ses débuts.
Quel est donc ce secret qui a fait de simples bergers du désert les porteurs d’un Message intemporel ? D’où vient cette détermination qui a conduit des hommes vivant dans le dénuement à propager les lumières d’une civilisation qui a éclairé, et éclaire encore les habitants de tous les continents ?
Ce secret réside dans l’éveil de la conscience humaine, lorsque la Révélation se fait, et qu’elle rappelle à l’enfant d’Adam sa dignité fondamentale : il est l’adorateur d’un Dieu unique.
Cette détermination se situe dans la prise de conscience de notre responsabilité devant Lui, et Lui Seul : Il nous a ordonné de lutter contre le mal et de répandre le bien.
Avant tout – et c’est là le plus grand des jihads, c’est là notre point de départ incontournable – de lutter contre le mal qui est en nous.
Notre ego cherche la domination et le pouvoir. Il faut lui imposer la soumission à Dieu, et à Dieu Seul, condition de notre liberté. Tu es libre en proportion de ton amour de Dieu, qui te conduit à suivre le chemin qu’Il a tracé pour toi, et qui souvent s’oppose à ton désir. Car le désir, la passion sont des idoles :
« Ne vois-tu pas celui qui a pris pour dieu sa passion ? » (Coran, 25, 43 et 45, 23)
« Que périsse l’esclave du dinar et du dirham ! » (Hadith rapporté par Al-Bukhârî)
Notre ego aime la possession et les biens. S’en libérer consiste à partager et soulager la souffrance du prochain, à oublier son intérêt dans l’intérêt d’autrui. A aimer le bien pour tous et à tendre sans relâche la main aux plus démunis.
Notre ego aime le désir et la passion. Sans frein, livré à ses pulsions et ses instincts, il nous entraîne vers l’animalité, vers des plaisirs qui une fois assouvis réclament d’autres plaisirs. Une insatisfaction perpétuelle que perpétuent les sociétés de consommation. Pour éviter cette dérive, il n’existe qu’une seule voie : lui imposer les limites que nous dicte la loi divine. Nous écarter de ce qui est illicite, et éviter les excès. Refuser cette prétendue libération des mœurs qui fait de la femme un objet, et retrouver notre liberté par la pleine maîtrise de nous-mêmes.
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e qui est vrai des individus, est vrai aussi des communautés humaines. Le musulman a non seulement le devoir de vivre individuellement selon ces principes, mais il doit également agir pour qu’ils soient connus de tous. Comment son action serait-elle efficace, s’il ne commence pas par l’appliquer lui-même ?
« Dieu ne modifie pas l’état d’un peuple, tant que les (individus qui le composent) ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes. » (Coran, 13, 11)
Voilà qui est clair et limpide. La sagesse islamique est universelle comme l’est toute sagesse authentique. Mais comment agir ? Quelle formation suivre ? A quelle école devons-nous nous rendre ?
Pendant un mois, chaque année, le Ramadan nous convie à cette réforme essentielle : le jeûne a été institué pour renforcer notre lien à Dieu :
"Ô vous qui avez cru ! Le jeûne vous est prescrit comme il a été prescrit à vos prédécesseurs. Peut-être craindriez-vous Dieu."(Coran : 2,183)
Le programme est donné :
La piété et le sentiment de la proximité de Dieu sont la finalité du culte.
« Et lorsque Mes adorateurs t’interroge à Mon sujet, …Je suis Proche. Je réponds à l’invocation de celui qui M’invoque quand il M’invoque.» (Coran, 2, 186)
Le mois de Ramadan est celui du Coran :
« Le mois de Ramadan au cours duquel le Coran a été descendu comme guide pour les gens… » (Coran, 2, 185)
Sa lecture quotidienne s’impose, en soulignant que la méditation sur les versets est plus importante que la quantité lue. Cela, sans pour autant négliger l’occasion de lire toujours plus.
Le mois de Ramadan est celui du rappel : nous allons pratiquer le dhikr soir et matin, en suivant l’authentique tradition de notre Prophète (000).
Le mois de Ramadan est celui de la patience et de la maîtrise de nos instincts. Nous allons nous libérer de nos pesanteurs, du plaisir excessif des sens, de la lourdeur des repas et de la consommation outrancière.
Le mois de Ramadan est celui du partage. Nous allons donner à celui qui est dans le besoin, nous occuper de la veuve et de l’orphelin ; et nous engager afin de porter secours aux peuples opprimés.
Avec cette pleine conscience que nous ne viendrons à bout de la tyrannie pour établir la justice et l’égalité, ici et ailleurs, qu’en renversant d’abord le despote capricieux qui sommeille en chacun de nous.
Hani Ramadan
paru dans LaPlume de l'est, juillet-août 2011