Nous sommes arrivés au comble de l’horreur. Le drame syrien préfigure, en Occident, l’effondrement de la prétendue civilisation des droits de l’homme. Et cela, pour plusieurs raisons.
L’élan révolutionnaire, qui a gagné le monde arabe contre les dictatures, a porté le peuple syrien à manifester pacifiquement pour renverser le régime de Damas. La répression a été terrible, et la lutte pour l’indépendance était dès lors nécessaire.
Devant cette confrontation opposant les hommes libres au tyran assassin, la réponse de l’Occident aurait dû se traduire par une aide immédiate empêchant les tueries. Mais rien de tout cela.
Représentants successifs de l’ONU, du CICR et d’autres vénérables institutions sont passés à la table du dictateur sans obtenir un quelconque résultat, si ce n’est le fait d’accorder encore une forme de reconnaissance au criminel de Damas, et de permettre que les terribles exactions se poursuivent.
Ce qui se passe en Syrie n’est pas une guerre civile, mais une obstruction à la révolution. Comment expliquer la passivité de la communauté internationale?
La Syrie représente un enjeu géostratégique financier important pour la Russie et la Chine. Cette seule considération révèle le degré de barbarie que nous avons atteint lorsque, dans l’enceinte onusienne, notre système accorde une quelconque légitimité au droit de veto sino-russe qui se traduit déjà sur le terrain par la mort de 30 000 Syriens, dont plus de 2000 enfants.
Mais l’enjeu est aussi politique. Si, en apparence, il est de bon ton de s’associer publiquement au Printemps arabe, dans la réalité l’administration américaine aussi bien que la communauté européenne observent avec la plus grande inquiétude cette libération des peuples musulmans, qui menace fortement l’hégémonie occidentale.
Les Assad, de père en fils, se sont illustrés et s’illustrent encore par leur haine des Frères musulmans, mouvement qui, dans une grande partie du monde arabe, n’a cessé d’exiger le respect de la volonté populaire.
En 1982, afin de briser la résistance des Frères, la ville de Hama était écrasée, et plusieurs dizaines de milliers de civils étaient massacrés par les bombardements acharnés de l’armée syrienne.
Ce scénario, tout le monde le connaissait, et tout le monde pressentait que Bashar suivrait le modèle de son père. Mais personne, dans le monde prétendument libre, n’est venu vraiment au secours du peuple syrien. Depuis18 mois, les citoyens poursuivent leur combat au sol et gagnent du terrain. Le régime ne dispose plus que d’une stratégie pour survivre: les bombardements indiscriminés. Avec un embargo aérien, la révolution aurait connu rapidement un dénouement favorable. Et tant de vies auraient pu être sauvées! Mais rien. Une passivité complice écoeurante, qui montre que décidément, oui, l’Occident a perdu son âme entre Homs et Alep sous les bombes.
Hani Ramadan,
24 Heures
L’invité
24 septembre 2012