Lettre ouverte à
Ignazio Cassis sur GAZA
Le 5 juin 2025, on apprenait par les médias qu’une lettre interne à votre Département des affaires étrangères (DFAE), signée par au moins 250 fonctionnaires et diplomates, exigeait une condamnation claire et ferme des crimes d’Israël à Gaza. « Nous ne pensions pas qu’il (c’est-à-dire vous-même) pouvait aller si loin dans sa reprise des arguments en faveur du gouvernement israélien », a par exemple dit à la RTS une source interne au DFAE.
On apprend à présent que vous avez adressé à votre tour une lettre qui sonne comme un avertissement à vos collaborateurs et dont voici un extrait selon Blick :
« La transmission de ce courrier aux médias afin de faire pression sur le Conseil fédéral ne s'inscrit pas dans notre culture du dialogue. Elle peut en outre constituer une violation du devoir de fidélité inscrit dans le droit du personnel fédéral car elle peut affecter la confiance du public dans l'Etat, dont vous êtes les serviteurs et que vous représentez », avez-vous écrit ce 25 juin 2025.
Il est bon de vous rappeler que vous vous êtes exprimé sur la RTS le 3 juin 2025 pour justifier votre position sur la situation à Gaza. Nombreuses sont les personnes qui ont été profondément choquées par votre prestation, qui n’a pas été digne de ce que l’on est en droit d’attendre en Suisse d’un Conseiller fédéral.
Permettez-moi de vous rendre attentif aux points suivants :
Vous avez déclaré : « Il y a eu des violations massives de la part d'Israël et de la part du Hamas. » Peut-on encore mettre dos à dos les actions du Hamas et l’ampleur de la dévastation de Gaza ?
Vous avez affirmé, en reprenant exactement les propos de Netanyahou, que « si le Hamas rendait les otages à Israël, il y aurait déjà eu un cessez-le-feu. » Vraiment ? Et les colons auraient aussi arrêté leur extension en Cisjordanie qui dure depuis des décennies ? Où ils tuent et emprisonnent en toute impunité des civils palestiniens ? Quand déclarerez-vous objectivement que le problème n’est pas celui de la résistance, mais de la colonisation qui se poursuit contre le droit international ?
Et de façon inouïe, vous avez ajouté : « N'oublions pas que chaque guerre est également une guerre d'information. » Etes-vous sûr qu’il s’agisse d’une guerre ? Ne sommes-nous pas visiblement les observateurs d’un programme d’extermination et de déportation ?
Pire : « Il y a eu des coups de fusil. Qui l'a fait ? Qui est responsable ? On ne le saura jamais. » On le sait déjà. Comme on sait que Tsahal bombarde massivement des civils depuis 20 mois ! On le sait certainement, par le compte-rendu des ONG sur le terrain et les témoignages filmés qui montrent l’étendue de la cruauté des soldats qui n’épargnent ni enfants, ni femmes, ni vieilles personnes. On le sait par la famine qui sévit. On le sait par le fait que Netanyahou est poursuivi par la CPI ! On le sait par les journalistes et les médecins assassinés, vos collègues à Gaza à qui vous devriez rendre hommage. Attribuer les programmes d’aide alimentaire au gouvernement de Netanyahou, c’est confier les agneaux affamés au loup ! Et votre position sur l’UNRWA entre dans cette logique qui consiste à priver des civils d’une réelle assistance.
Autre déclaration inacceptable : « Il faut condamner le fait que l'un et l'autre côté ne permettent pas que l'aide humanitaire entre dans la bande de Gaza et soit correctement distribuée. » Oui, oui. Les résistants palestiniens tiennent à ce que les enfants de Gaza meurent de faim. C’est évident. Le Hamas tire des missiles sur les hôpitaux dans lesquels il se cache en se servant des malades comme boucliers humains. N’est-ce pas ?
Monsieur le Conseiller d’Etat, je vous rappelle que c’est le gouvernement de Netanyahou qui empêche les camions d’entrer. Je vous rappelle que nous sommes les détenteurs des Conventions de Genève. Devant la destruction massive de Gaza, et les familles expropriées et chassées de Jérusalem-Est, la fausseté de vos allégations est particulièrement criante.
Des bébés et des enfants meurent de faim à Gaza.
Au lieu de prétendre rappeler vos collaborateurs à l’ordre en brandissant le principe du devoir de fidélité, il serait indiqué que vous preniez vos distances avec la rhétorique des criminels de guerre.
Hani Ramadan
Citoyen de Genève