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Entretiens intimes : un sage s’adresse à Dieu

 Dans ses Entretiens intimes (munâjât), Ibn ‘Atâ’i -Llâh adresse à Dieu ces paroles :

 

La passion, avec les chaînes du désir, m’a emprisonné. Sois donc, Toi, mon secoureur, afin de m’accorder la victoire, et d’accorder, par moi, la victoire.

Enrichis-moi par Ta faveur, afin que par Toi, je me dispense de demander.

C’est Toi qui as fait briller les lumières dans les cœurs de Tes protégés de sorte qu’ils Te connaissent et clament Ton unicité.

C’est Toi qui as dissipé les altérités des cœurs de Tes bien-aimés, de telle sorte qu’ils n’aiment que Toi et ne se réfugient pas auprès d’un autre que Toi.

C’est Toi qui leur tiens compagnie, lorsqu’ils se sentent étrangers au monde et à ce qu’il contient.

C’est Toi qui les as guidés, si bien que les repères leur sont apparus avec évidence.

Qu’a-t-il trouvé, celui qui T’a perdu ? Qu’a-t-il perdu, celui qui T’a trouvé ?

Est condamné certes à la déception et la déchéance, celui qui se satisfait d’un substitut qu’il préfère à Toi.

Est condamné certes à la ruine, celui qui s’écarte de Toi en quête d’un autre que Toi.

 

Commentaires :

 

La passion, avec les chaînes du désir, m’a emprisonné. Sois donc, Toi, mon secoureur, afin de m’accorder la victoire, et d’accorder, par moi, la victoire. Cette invocation peut être comprise en rapport avec la fameuse expression : hawla wa lâ quwwata illâ bi -Llâh : Il n’y a de puissance et de force que par Dieu. L’homme est un être de désirs, et Dieu fait en sorte que soient inscrites dans sa destinée les erreurs qui lui font prendre conscience qu’il est incapable de résister à certaines tentations, s’Il ne lui accorde pas Sa protection et Son soutien.

Ibn ‘Atâ’i -Llâh demande ainsi à Dieu de le secourir contre ses ennemis : son ego, sa passion, le diable et les séductions du monde. Il lui demande également de se servir de lui – dans ce grand combat (jihâd) – pour venir en aide et être utile aux autres.

Enrichis-moi par Ta faveur, afin que par Toi, je me dispense de demander. Ibn ‘Atâ’i -Llâh demande à Dieu de le combler dans sa foi à telle point que, observant que Dieu pourvoit à tous ses besoins, il n’éprouve plus la nécessité de lui demander quelque chose. Ash-Shâdhilî disait en ce sens : « L’homme réellement heureux est celui que Tu as enrichi au point qu’il ne Te demande rien. » Comprendre : que tu as enrichi dans la certitude et la sérénité de la foi, de sorte qu’il sait que Tu sais mieux que lui ce qui est bien pour lui-même, et qui s’en remet à Toi.

C’est Toi qui as fait briller les lumières dans les cœurs de Tes protégés de sorte qu’ils Te connaissent et clament Ton unicité. C’est Toi Seul qui éclaire l’âme des awliyâ’ qui ont ainsi une connaissance profonde et certaine de Ton unicité.

C’est Toi qui as dissipé les altérités des cœurs de Tes bien-aimés, de telle sorte qu’ils n’aiment que Toi et ne se réfugient pas auprès d’un autre que Toi. C’est Toi qui as conduit Tes aimés à se détacher de tout ce qui est autre que Toi (al-aghyâr : les altérités).

C’est Toi qui leur tiens compagnie, lorsqu’ils se sentent étrangers au monde et à ce qu’il contient. Ils éprouvent ainsi par Ta grâce un sentiment de solitude lorsqu’ils sont au milieu des hommes, d’exil lorsqu’ils se trouvent au monde, et de plénitude lorsqu’ils sont seuls avec Toi. Celui qui effectivement goûte le bonheur lié à cette plénitude de la « compagnie de Dieu » (al-uns), son cœur fuit tout ce qui n’est pas Dieu. Tous les êtres et les éléments du monde ont une part qui leur revient et qu’ils réclament pour eux-mêmes, du fait de leur imperfection et de leurs manques. Dieu Seul – Exalté soit-Il – est pleinement Riche et Digne de louange ; et cependant, Il est Subtil-Bienveillant envers Ses serviteurs, Aimant et Indulgent.

C’est Toi qui les as guidés, si bien que les repères leur sont apparus avec évidence. Tu leur as montré la voie qu’ils devaient suivre pour réaliser le monothéisme et s’élever spirituellement.

Ces dernières observations d’Ibn ‘Atâ’i -Llâh comprennent implicitement des invocations : Ô mon Dieu ! Comme Tu l’as fait pour ceux que Tu as choisis, illumine mon cœur afin que je Te connaisse ; écarte de mon cœur les altérités (tout ce qui n’est pas Toi), afin qu’il se tourne exclusivement vers Toi et qu’il T’aime ; fais-moi goûter le bonheur de Ta compagnie, en cette vie qui est une forme d’exil ; guide-moi sur le chemin d’une certitude grandissante, suivant les jalons de la purification de l’âme !

Qu’a-t-il trouvé, celui qui T’a perdu ? Qu’a-t-il perdu, celui qui T’a trouvé ? Est condamné certes à la déception et la déchéance, celui qui se satisfait d’un substitut qu’il préfère à Toi. Est condamné certes à la ruine, celui qui s’écarte de Toi en quête d’un autre que Toi. Dans le monothéisme authentique réside la seule vraie richesse de l’homme. Il est riche de son lien avec son Unique Créateur, de sa rencontre avec l’Eternel. Au contraire, l’être humain le plus pauvre est celui qui ne connaît pas Dieu, et qui, absorbé par la vie matérielle, s’attache avidement aux biens et aux choses de la vie, se condamnant ainsi à la déchéance. On notera que si le propre du sage est de dire toute la sagesse du monde en quelques mots, l’auteur des Hikam (Sagesses) nous en donne un bel exemple, dans une formule aussi percutante que concise :  « Qu’a-t-il trouvé, celui qui T’a perdu ? Qu’a-t-il perdu, celui qui T’a trouvé ? »

 

À méditer longuement.

 

Hani Ramadan

 

 

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