Denise me pose cette pertinente question :
« En vérité, rendre grâce à Dieu pour ce qu'Il nous accorde doit être la légitimité de nous nourrir, nous et notre famille.
"Célébrez le Seigneur, bénissez son nom. Car le Seigneur est bon, sa fidélité est pour toujours et sa loyauté s'étend d'âge en âge." (Psaumes 100.4-5)
Mais je suis perplexe en lisant:
« Vous qui croyez, ne prenez pas de juifs et de chrétiens pour amis. Ils sont amis entre eux. Qui les prend pour amis sera des leurs, mais Dieu ne conduit pas le peuple coupable. » (Coran 5 : 51)
Quel est le sens de ce verset? »
Réponse
La traduction du verset que vous citez n’est pas correcte. En voici une plus précise :
« Ô vous qui avez cru! Ne prenez pas pour alliés les juifs et les chrétiens; ils sont alliés les uns des autres. Et celui d'entre vous qui les prend pour alliés, devient un des leurs. Dieu ne guide certes pas les gens injustes. » (Coran, 5 : 51)
Le terme arabe awliyâ’ signifie effectivement alliés, et non pas amis. Pour preuve, cet autre verset où il est utilisé :
« Ô vous qui avez cru ! Ne prenez pas pour alliés (awliyâ’) vos pères et vos frères s'ils préfèrent la mécréance à la foi. Et quiconque parmi vous les prend pour alliés... ceux-là sont les injustes. » (Coran, 9, 23)
Le verset que vous citez doit par ailleurs être compris dans son contexte : les musulmans ne doivent pas établir d’alliance avec les nations qui les agressent sans droit. Ce verset conserve toute son actualité. Ainsi, les musulmans palestiniens n’ont pas à établir d’alliance avec le régime sioniste alors que ce dernier poursuit sa colonisation et ne respecte aucune convention. Les musulmans syriens n’ont rien à attendre de la communauté internationale qui – sionistes et chrétiens sionistes en tête – a pris la décision qu’ils pouvaient être massacrés sans que personne n’intervienne.
Lisez cet extrait, que je livre pour la Xe fois, de la revue Kivounim (Orientation), publié par l’« Organisation Sioniste mondiale » à Jérusalem (n° 14, février 1982) : « L’éclatement de la Syrie et de l’Irak en régions déterminées sur la base de critères ethniques ou religieux, doit être, à long terme, un but prioritaire pour Israël, la première étape étant la destruction de la puissance militaire de ces États. (….) Riche en pétrole, et en proie à des luttes intestines, l’Irak est dans la ligne de mire israélienne. Sa dissolution serait, pour nous, plus importante que celle de la Syrie, car c’est lui qui représente, à court terme, la plus sérieuse menace pour Israël. »
Que nous dit le Coran ? Il n’y a rien à attendre d’un système d’alliances (observez le rôle misérable de l’ONU !) qui voue une telle haine à l’islam et manifeste une telle hostilité envers les musulmans. On ne doit pas pactiser avec le diable.
Cependant, le Coran ne nous interdit pas de nourrir les meilleures relations – fondées sur la bienfaisance et l’équité – avec ceux qui, juifs ou chrétiens, respectent les droits humains. Le Coran lui-même indique quelle est la nature des liens qui unissent les musulmans et les non-musulmans dans des conditions normales de paix:
« Dieu ne vous défend pas d'être bons et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Dieu aime les équitables.
Dieu vous défend seulement de prendre pour alliés (le verbe tawallawhum a la même racine que le mot awliyâ’) ceux qui vous ont combattus pour la religion, chassés de vos demeures et ont aidé à votre expulsion. Et ceux qui les prennent pour alliés sont les injustes. » (Coran 60, 8-9)
Le verbe barra signifie « se montrer bon, bienfaisant, charitable ». Le mot birr est aussi utilisé pour désigner la bonté envers les père et mère. Al-birr évoque ainsi le plus haut degré de la bienfaisance. Et c'est à cette attitude morale que nous invite le Coran vis-à-vis de tous ceux qui ne sont pas musulmans ! A quoi il faut ajouter l'équité. La différence de religion ne saurait en aucun cas être le prétexte de discriminations au niveau de la justice qui s'applique pareillement à tous les êtres humains.
Hani Ramadan