Le 12 février 1949, il y a 70 ans, était assassiné Hassan al-Bannâ par les agents du gouvernement égyptien. Nous livrons à nos lecteurs le passage suivant pour lui rendre hommage.
L'imam Hassan al-Bannâ
La persécution : critère de vérité[1]
Nul ne peut prétendre suivre la voie du Prophète (Dieu le couvre de bénédictions et de paix), dont le Message consiste à renverser les idoles, s’il ne se heurte à une vive opposition. De nos jours, le mouvement islamique qui illustre le plus clairement cette réalité, est celui des Frères musulmans. Son fondateur, Hassan al-Bannâ, non seulement avait conscience des obstacles qui allaient entraver son chemin, mais il avait donné à ses frères, de façon réitérée, une forme d’avertissement. Ils allaient rencontrer de sérieuses difficultés. J’ai le souvenir d’un récit que mon père, le Dr Saïd Ramadan, gendre de Hassan al-Bannâ – Dieu leur fasse miséricorde à tous deux –, m’a raconté.
Dr Saïd Ramadan
Alors qu’il assistait, lui et quelques autres, à un rassemblement des Frères musulmans, au temps où le mouvement avait le vent en poupe et ne rencontrait aucun obstacle, il était près de l’imam Hassan al-Bannâ, quand celui-ci fut saisi d’une forte émotion : il versa subitement quelques larmes et dit : « Je me demande ce que vous ferez, lorsqu’ils vous suspendront à des gibets de potence ! » Mon père ajouta : « Moi et les autres, nous nous regardions, et nous ne comprenions pas alors le sens de ces paroles ! »
Il faut savoir effectivement que Hassan al-Bannâ est mort le 12 février 1949, à l’âge de 42 ans et quelques mois, assassiné par ordre du gouvernement égyptien, et que Nasser n’ordonnera les premières pendaisons des Frères qu’en 1954. Sayyid Qutb a été exécuté de la même manière le 26 août 1966.
Dans l’un de ses traités, Hassan al-Bannâ s’est exprimé clairement sur ce sujet :
« Je voudrais, Frères, vous dire franchement que votre message est encore inconnu de beaucoup de gens, et que le jour où ils le connaîtront et en saisiront la portée et les buts, il se heurtera à une vive opposition et à une forte inimitié. Vous serez alors obligés d’affronter un nombre important de difficultés et d’obstacles. C’est alors seulement que vous commencerez à marcher sur la voie des hommes investis d’une mission. Quant à présent, vous êtes encore inconnus et vous êtes encore à planifier votre message et à vous préparer au combat et à la lutte qu’il exige. L’ignorance du peuple concernant la réalité de l’Islam se dressera sur votre chemin. Vous découvrirez, parmi les hommes de religions et les oulémas officiels, qui considérera votre compréhension de l’Islam comme une étrangeté et désapprouvera votre lutte dans sa voie. Les chefs, les leaders, les détenteurs de la gloire et de la puissance, vous envieront. Tous les gouvernements pareillement s’opposeront à vous, chacun d’entre eux s’efforçant d’empêcher votre activité et de bloquer votre progression. Les oppresseurs tenteront par tous les moyens de s’opposer à vous et d’éteindre la lumière de votre message. Ils se feront aider par des gouvernements faibles d’une moralité décadente, tendant vers eux leurs mains par mendicité, et vers vous pour vous nuire et par inimitié. (….)
Vous serez alors emprisonnés, détenus, déportés, dispersés, vos propriétés confisquées, vos activités propres arrêtées, vos maisons soumises à perquisition. De fait, la période de votre épreuve pourra durer longtemps. « Les gens ont-ils pensé qu’on les laisserait dire qu’ils ont cru sans qu’ils soient soumis à l’épreuve? » (Coran, 29; 2). Mais Dieu vous a promis, après cela, la victoire des combattants (mujâhidûn) et la récompense de ceux qui agissent pour le bien. (….)
Ô Frères musulmans, écoutez!
J’ai voulu, par ces quelques mots, mettre sous vos yeux votre message. Peut-être que des heures critiques nous attendent au cours desquelles nous serons séparés les uns des autres pour un temps. En ce cas, je ne serai plus à même de vous parler ni de vous écrire. Je vous recommande de méditer le sens de ces mots, de les apprendre par cœur si vous le pouvez, et de les tenir comme votre point de rassemblement. Chaque mot porte plusieurs sens.
Mes frères, Vous n’êtes ni une société bénévole, ni un parti politique, ni non plus une organisation locale avec des buts limités. Vous êtes la lumière nouvelle pour détruire les ténèbres du matérialisme par la connaissance de Dieu; et aussi cette voix forte qui s’élève pour rappeler le Message du Prophète (Dieu le couvre de bénédictions et de paix).
En vérité, vous devez vous sentir porteurs d’une charge que tous les autres ont délaissée.
Si on vous demande : « Quel est votre message? », répondez : « C’est l’Islam, c’est le Message de Muhammad (Dieu le couvre de bénédictions et de paix). C’est la religion qui contient un gouvernement et la liberté est l’une de ses exigences. » Si l’on vous dit alors que vous faites de la politique, répondez que l’Islam ignore de telles distinctions. Si l’on vous accuse d’être des révolutionnaires, dites : « Nous sommes la voix de la vérité et de la paix, en lesquelles nous croyons fermement et fièrement. Si vous vous dressez contre nous, sur le chemin de notre message, alors Dieu nous permet de nous défendre contre votre rébellion et votre injustice. » Et si l’on vous dit que vous cherchez de l’aide auprès des personnalités et des organisations, dites : « Nous croyons en Dieu, et renions ce que vous Lui associez. » Et s’ils persistent dans leur inimitié, alors dites-leur : « Que la paix soit sur vous! Nous n’avons pas le désir de (nous lier aux) ignorants ! »
Puis, l’imam Hassan al-Bannâ nous rappelle nos devoirs, en disant :
« Frères !
- Croyez en Dieu et soyez fiers de Le connaître, de vous en remettre à Lui et de vous appuyer sur Lui. Ne craignez et ne redoutez personne d’autre que Lui. Accomplissez Ses prescriptions et évitez Ses interdictions.
- Adoptez les meilleures qualités morales et l’excellence à tous les niveaux de votre engagement. Soyez forts par ces qualités morales, et dignes par la dignité de la foi que Dieu vous a donnée, et par la noblesse que Dieu a octroyée aux hommes pieux et vertueux.
- Tournez-vous vers le Coran afin de l’étudier entre vous, et vers le pur récit de la vie du Prophète (Dieu le couvre de bénédictions et de paix), afin de vous en rappeler le sens entre vous.
- Soyez actifs, et non pas polémistes. Lorsque Dieu guide un peuple, il lui inspire d’agir. Et un peuple ne s’égare pas après avoir été guidé sans que lui soit donné l’acharnement dans la dispute.
- Tissez des liens d’amour entre vous, et soyez particulièrement attentifs à préserver vos attaches, car c’est là que réside le secret de votre force, et le pilier de votre réussite. Et persévérez, jusqu’à ce que Dieu tranche par la vérité entre vous et entre votre peuple, et Il est Le Meilleur de ceux qui assurent la victoire !
- Ecoutez et obéissez à vos chefs, dans la difficulté comme dans l’aisance, que cela vous plaise ou non. Ils représentent le symbole de votre doctrine et le chaînon qui vous relie les uns aux autres.
Et attendez après cela le secours et le soutien de Dieu. Et l’occasion se présentera, cela ne fait aucun doute : « Et ce jour-là, comme il est dit dans le Coran, les croyants se réjouiront du secours de Dieu. Il secourt qui Il veut et Il est le Tout-Puissant, le Tout-Miséricordieux. » (Coran, 30, 4-5)
Que Dieu nous accorde de nous conformer à ce qu’Il aime et agrée, qu’Il nous amène à suivre les voies des hommes de bien et de bonne conduite, qu’Il nous donne de vivre la vie des gens dignes et heureux, et de mourir la mort des combattants et des martyrs ! Il est un Excellent Maître et un Excellent Secoureur. »
[1] Extrait de Le croyant face aux épreuves, par Hani Ramadan. A paraître in shâ Allah.