La croyance en le destin ne signifie pas que l’homme se voit privé de son libre arbitre. Elle signifie d’abord que Dieu, étant omniscient, connaît notre passé, notre présent et notre avenir. Cependant, il nous a donné la liberté de choisir notre chemin, après nous avoir montré la voie du bien et la voie du mal. Êtres doués de raison, nous sommes donc responsables de notre choix. Nous ne pourrons prendre pour prétexte la prédestination lorsque nous aurons, devant le Tout- Miséricordieux, à rendre compte de nos péchés et de nos crimes.
Dieu connaît notre avenir, mais nous, nous l’ignorons, et cette ignorance fonde entièrement notre responsabilité. Ainsi, lorsque nous arrivons à un carrefour, et que deux chemins se présentent à nous, l’un ascendant et l’autre descendant, notre décision nous appartient : les chemins sont tracés, et nous ne pourrions aller plus loin s’ils n’étaient pas praticables. Mais c’est nous qui optons librement pour un sens ou pour un autre. Tant que nous ne connaissons pas notre destination finale, (ce qui ne nous sera révélé que dans l’après vie), tant que nous disposons de notre faculté de juger, nous avons le devoir d’assumer nos actes.
Tout est écrit : aussi bien les événements qui nous dépassent et sur lesquels nous n’avons aucune prise (le moment de notre naissance, nos parents et nos ancêtres, notre aspect physique, etc.), que les actions où notre responsabilité se trouve complètement engagée (le fait de remplir nos obligations vis-à-vis de Dieu et vis-à-vis de nos semblables, d’être bienfaisants et de nous conformer à la loi divine, etc.).
Une remarque encore sur cette question épineuse du destin : - Nous devons faire une distinction entre ce qui relève de la Volonté absolue de Dieu (tout ce qui arrive dans l’univers n’arrive que par cette volonté, car Dieu ayant tout pouvoir, Il peut empêcher n’importe quelle action), et l’Agrément de Dieu. Exemple : lorsqu’un vol est commis, on doit être convaincu que cette action ne pouvait se produire sans la Volonté absolue de Dieu. Par contre, Dieu nous a bien fait comprendre, par le biais de notre conscience morale, mais aussi par la loi révélée, que le vol est un crime et qu’il n’entre en aucune façon dans Son Agrément. En d’autres termes, Dieu peut vouloir une chose qu’Il n’agrée pas. Cette Volonté absolue, bien comprise, ne signifie en aucune manière que Dieu nous impose de faire le mal, mais au contraire qu’Il nous a créés libres. Seulement, notre espace de liberté ne dépasse pas le cadre qu’Il a fixé pour nous. C’est en ce sens qu’il faut comprendre les versets du Coran qui affirment :
“ Oui, Nous l’avons guidé (l’homme), soit reconnaissant, soit ingrat. ” (Coran, 76, 31)
“ Ne l’avons-Nous pas guidé sur les deux voies? ” (Coran, 90,10)
“ Et par l’âme et Celui qui l’a harmonieusement façonnée,
et lui a alors inspiré son immoralité, de même que sa piété !
A réussi, certes, celui qui la purifie.
Et est perdu, certes, celui qui la corrompt. ” (Coran, 91, 7-10)
Le Coran insiste sur cette disposition naturelle qui a été donnée à l’homme, qui le distingue du reste des créatures et lui confère sa dignité. Par la raison et par la faculté de connaître, par la liberté que Dieu lui a octroyée, il est en partie maître de la destinée de l’univers que Dieu lui a confié ; il est capable du pire comme du meilleur : plus égaré que les bêtes rampantes ou plus noble que les créatures célestes. La raison humaine et la pensée, qui se déploient sur le support du langage et des mots, donnent ainsi aux enfants d’Adam une supériorité qui dépasse aussi bien l’instinct animal que l’inspiration des anges.