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Terrorisme mode d’emploi

Nous voici donc revenu à la fameuse thématique de la « guerre contre le terrorisme » ou « guerre contre la terreur » (« War on Terrorism », « War on Terror ») qui avait été le principal cheval de bataille du président W. Bush après le 11 septembre 2001. Disons-le sans détour : quand bousculée par la crise, l’administration d’un régime démocratique est au plus bas dans les sondages,  il n’existe pas trente six mille solutions pour mobiliser ses troupes et reprendre de la hauteur.

Le 11 septembre avait été en ce sens salutaire pour le président Bush. Une aubaine inespérée, lui permettant de retrouver sa popularité et de se présenter comme le rassembleur de toutes les forces vives de la nation contre la menace immonde qui s’en prend aveuglément à des innocents. Menace d’autant plus pernicieuse qu’elle reste floue et indéterminée. Tout le monde peut être touché à tout moment. On lui a donné un nom : Al-Qaïda. Le réseau de Ben Laden, prétend-on. Le lieu de résidence du personnage n’est pas connu. Tant mieux ! On ira ainsi le chercher en Afghanistan, au Pakistan et ailleurs. Des imbéciles, prenant leurs désirs pour des réalités, supposeront même qu’il vit en Iran !

Menace diffuse, donc, et confuse, qui permet de justifier également le devoir d’ingérence. Une guerre illimitée, et qui prendra des années et des années. Et voilà qu’à présent, on nous sert les mêmes refrains : 

-       Un haut responsable américain de la Sécurité intérieure a révélé au début du mois  d’octobre 2010, lors d'une réunion ministérielle à Luxembourg, la possibilité d’une attaque terroriste. Mme Jane Holl Lute, adjointe de la secrétaire américaine à la Sécurité  intérieure, « nous a confirmé la persistance d'une menace terroriste,  mais sans en préciser les cibles », a déclaré le ministre français de l'Intérieur  Brice Hortefeux. Et d’évoquer « la multiplicité des cibles  des terroristes. » Faisant preuve de plus de retenue, le ministre allemand de l’Intérieur, Thomas de Maizière, a dénoncé l'alarmisme de certains pays concernant des risques d'attentats en Europe.

-       Le lundi 18 octobre 2010, un autre haut responsable de l’OTAN cité par la chaîne CNN, affirmait que le prétendu chef d'Al-Qaïda et le numéro deux du réseau, Ayman al-Zawahiri, vivent dans le nord-ouest du Pakistan, sous la protection de certains agents des services de renseignement. Il faut donc comprendre qu’il est parfaitement légitime de prendre pour cible toute cette région, en envoyant des drones assassins, et en se désolant par avance des inévitables dommages collatéraux touchant des civils.

-       Menaces de Ben Laden le 27 octobre sur Al-Jazira contre la France. Il est évident – aucune enquête, aucune preuve ne sont nécessaires – que c’est bien lui qui s’est exprimé ainsi, raison pour laquelle le président français a déclaré le vendredi 29 octobre : «La France ne se laissera dicter sa politique par personne et certainement pas par les terroristes».

-       Interception de colis piégés venus du Yémen représentant un danger certain pour les Etats-Unis, et par conséquent pour le monde entier. Voilà une région qui méritera probablement la visite de quelques drones aveugles.

-       Premier novembre 2010 : la France suspend son fret aérien en provenance du Yémen. Rien n’est prouvé. Aucune enquête n’a encore été menée. Mais existe-t-il des raisons d’attendre et de ne pas s’indigner immédiatement face au terrorisme islamiste?

-       Le 17 novembre 2010, l’Allemagne est alarmée par un colis suspect en Namibie à destination de Munich, puis le ministre allemand de l’Intérieur, Thomas de Maizière, a révélé le 19 novembre qu’il s’agissait d’un « leurre inoffensif de fabrication américaine. » (AFP) 

Résumons-nous : ce concept de la « guerre contre le terrorisme » est décidément très pratique, et il permet d’atteindre de multiples objectifs inavoués : renforcement de l’union nationale autour des responsables politiques sur le déclin, désignation d’un bouc émissaire diabolisé sous les noms de l’islamisme et du terrorisme, et justification de l’expansion militaire qui vise l’exploitation de pays dominés. J’oubliais aussi : la mise au pas d’une opinion publique qui commence à y voir clair et qui trouve qu’il n’est pas très juste d’envoyer de jeunes soldats américains et européens parfaitement naïfs se faire massacrer en Afghanistan et ailleurs, pour le compte de multinationales dont les ambitions sont démesurées.  Cette stratégie ayant parfaitement réussi à l’administration Bush pour un second mandat, on ne voit pas pourquoi certains Etats européens s’en priveraient. Après tout, ils se sont pliés, tous autant qu’ils sont, à l’hégémonie étasunienne lorsqu’il était question d’envahir l’Irak sous le prétexte fallacieux des armes de destruction massive. Ni l’ONU, ni le reste de la communauté internationale n’avaient pu freiner les appétits guerriers du gouvernement Bush. Alors, quand on ne peut faire opposition, il vaut mieux en être pour ne pas perdre la face.

Pour que la folie des hommes soit consommée, faites-nous donc, Messieurs les experts terroristes, un bel attentat à Paris, ou ailleurs dans une grande ville,  avec une multitude de prises de vue et si possible des morts, beaucoup de morts. Du sang, beaucoup de sang pour signifier de quelle couleur se pare le drapeau de l’islamisme. Des explosions en séries et de la fumée. Au pied de la Tour Eiffel, par exemple, à une heure de grande affluence. Prévoyez d’y laisser la trace d’un immense cratère en guise de mémorial, d’où l’on pourra plus tard pourfendre le nihilisme du terrorisme suicidaire. Et tenez : l’idéal serait que des gens de toutes nationalités et de toutes origines soient tués. Cela nous permettrait de mettre tout le monde de notre côté, et de justifier une guerre sans merci, contre un ennemi absolu, même si pour cela il fallait bombarder des villes, et pourquoi pas, utiliser des armes peu conventionnelles contre les régimes islamistes qui auraient nécessairement quelque chose à se reprocher.

Mais je m’égare : il n’y a absolument rien d’original dans ce monstrueux scénario.

Hani Ramadan

 

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