Les attaques récentes contre les chrétiens d’Orient ne doivent connaître qu’une réponse : une réprobation sans faille. Ces attentats nous sont d’autant plus odieux qu’ils visent des lieux de culte, là où chacun devrait avoir le droit d’exercer sa foi.
Cependant, il est étonnant d’observer avec quelle diligence la presse et les médias se sont emparés de ce sujet pour désigner le coupable, et cela alors même que les commanditaires de ces actions, dont l’attentat d’Alexandrie, ne sont pas connus. Le coupable, c’est l’islam intransigeant qui menace le christianisme. Il suffit de relever les gros titres : « La chasse aux chrétiens », « Persécutions », « Le calvaire des chrétiens », « Chrétiens à l’agonie ». On dresse ensuite une carte géographique de la répartition de ces communautés meurtries dans le monde musulman, et l’on donne des chiffres : six fidèles tués en Haute-Egypte, huit chrétiens assassinés à Mossoul, 44 fidèles et deux prêtres tués dans une église syriaque catholique de Bagdad, 21 morts et 79 blessés à Alexandrie. D’autres enquêtes révèlent également que beaucoup de ces victimes ont choisi le chemin de l’exil. Or, cette mise en perspective n’est pas objective et ne contribue qu’à attiser des relents d’islamophobie de plus en plus visibles.
D’abord, parce que la persécution et l’intolérance sont contraires aux principes de l’islam. Le Coran précise qu’un chrétien ne peut être détourné de sa foi : « Pas de contrainte en religion. » (Coran, 2, 256)
Ensuite, parce que sur le plan historique, les musulmans ont mis en application ces préceptes. Lorsqu’il entre à Jérusalem, le Calife ‘Umar établit par écrit un pacte avec les chrétiens, en déclarant :
« Au Nom de Dieu, le Très Miséricordieux, le Tout Miséricordieux ! Ceci est la sauvegarde accordée par le serviteur de Dieu, ‘Umar, commandeur des croyants, aux habitants de Ilya (Jérusalem) : il leur garantit la sauvegarde de leurs vies, de leurs biens, de leurs églises, de leurs croix – quel que soit l’état de celles-ci – et de leur culte en général. Leurs églises ne seront ni occupées, ni détruites et ne subiront aucun dommage ; il en sera de même pour leurs annexes, leurs croix et leurs biens. Aucune violence ne leur sera faite en matière de religion ; et l’on ne fera tort à aucun d’entre eux. »
La sharia n’a jamais prescrit le massacre des chrétiens : les membres des églises syriaques, byzantines, chaldéennes, melkites, maronites, arméniennes et coptes ont vécu pendant des siècles en terre d’islam. Jamais il n’a été question de les exterminer ou de les contraindre à l’exil. Si tel avait été le cas, il y a longtemps qu’ils auraient disparu.
De fait, il n’est pas juste de tomber dans la démesure. Si des églises ont été détruites récemment, c’était en Irak sous les bombardements de l’armée américaine. Les dignitaires chaldéens ont été les premiers à dénoncer courageusement ces agressions. Et si des chrétiens d’Irak choisissent le chemin de l’exil, ils le font comme des milliers de musulmans. Tous fuient la terreur qui est, comme chacun peut aisément le constater, la conséquence désastreuse d’une ingérence inacceptable.
Hani Ramadan
Directeur du Centre Islamique de Genève
L’invité,
Tribune de Genève, le 21 janvier 2011