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La Libye massacrée

 Il existe une sorte de délit puni pénalement et qui s’appelle « non-assistance à personne en danger ».

Imaginez un chasseur de requins se trouvant sur une plage, alors qu’il tient à sa disposition des harpons lui permettant de toucher avec précision le squale. Il voit très nettement qu’un groupe de nageurs composés d’hommes, de femmes et d’enfants est poursuivi par quelques poissons prédateurs. Il voit les monstres mordre dans la chair tendre. Il entend les pleurs, les cris et les appels des innocents. Il décide de ne pas intervenir en attendant que la boucherie se termine.

 

Cet homme ne pourrait que nous inspirer le plus profond dégoût.

 

Alors que tout le monde connaît qui est Kadhafi et ce dont il est capable contre son propre peuple, ceux qui possèdent les moyens militaires de paralyser au sol et dans les airs ce dictateur ne font rien. Ce lundi 14 mars 2011, soit trois semaines après que les remous et les premiers signes d’une confrontation des révolutionnaires avec le régime autocrate aient été rendus visibles, le G8 a décidé de ne rien décider. Si l’on excepte la France dont on peut douter de la bonne foi – on connaît les manœuvres électoralistes de son président –  et les Britanniques qui n’ont exprimé aucune revendication réelle, un vaste consensus uni les chefs de la diplomatie des puissances les plus industrialisées  pour laisser un peuple se faire massacrer.

 

Honneur revient cependant à la Suisse qui, par la voix de sa présidente, a clairement souligné que le tyran libyen doit être considéré comme un criminel de guerre. Et ceux qui à Berne lui reprochent d’être allée trop vite peuvent aller danser avec les requins.

 

Une partie de la presse a également retourné sa veste. Les révolutionnaires sont devenus des insurgés ou des rebelles. Pourquoi en est-on venu à tant d’ignominies ?

 

Il existe une raison politique : les régimes occidentaux, tout en applaudissant en apparence aux révolutions arabes et au vent de liberté qui souffle au Proche-Orient, n’en veulent pas vraiment. Ils ont observé ce phénomène avec inquiétude, parce que l’émancipation des peuples signifie la fin de leur hégémonie. Jusqu’à présent en effet, ils défendaient leurs intérêts par dictatures interposées.

 

Il existe une raison économique : la chute de Kadhafi entraînerait pour de nombreuses multinationales des pertes considérables se chiffrant par dizaines de milliards de pétrodollars. Dans les plus hautes sphères du G8, des groupes de pression agissent pour éviter le pire : des faillites en séries, sans compter l’obligation de restituer l’argent investi volé par le despote.

 

Il existe une raison stratégique à long terme : jusqu’où iraient les chutes successives des régimes illégitimes après la Libye ? La menace de voir un monde nouveau émerger du Proche-Orient, et même  d’Afrique, un monde libre conscient des richesses qui sont les siennes et dont on le dépossède impunément, est prise au sérieux par les nations dominantes.

 

Les requins ont les dents longues.

 

 

Hani Ramadan

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