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Qu’est-ce que je peux lui dire ?

 Cher Jacob Berger,

 

J’ai pris connaissance de votre chronique du 24 février 2012 où vous évoquez le drame de Syrie.

 

La voici : http://www.tsr.ch/video/info/journal-19h30/#/video/info/journal-19h30/3809836-la-chronique-du-cineaste-jacob-berger-revient-sur-l-actualite-de-la-semaine.html

 

Je tiens à vous faire part de l’agacement que cette séquence a suscité en moi, et en voici les raisons.

 

Vous vous tenez au-dessus de la mêlée en commentant l’actualité en question, et votre conclusion sonne juste : si de tels crimes sont possibles, cela est dû au jeu malsain des alliances entre certains dirigeants ; et bien sûr, comme vous le dites si bien, à la domination de l’argent et du pouvoir.

 

Cependant, tout au long de votre lecture des événements, vous liez la violence aux paroles que répètent constamment les musulmans : « Allâhu Akbar ! » On voit Bachar le sanguinaire prier dans une mosquée, alors qu’appartenant à la secte alaouite, ce tyran est prêt à aller jusqu’à l’extermination des musulmans syriens et la destruction de leurs lieux de culte pour se maintenir au pouvoir.

Vous parlez de « foules qui font peur, de foules de rebelles exaltés », et toujours en lançant : « Allâhu Akbar ! » Vous contribuez ainsi à ternir cette révolution légitime contre une dictature.

Il est tellement aisé, pour un grand artiste, d’éviter tout jugement de valeur en peignant la barbarie humaine, et en considérant qu’elle nous offre le tableau d’une tragédie déconcertante ?

 

Que pourriez-vous dire à votre fils, Jacob Berger ?

 

Dites-lui que depuis des décennies, les pays occidentaux, dont la Suisse, ont soutenu les dictatures arabes pour des questions d’argent, effectivement.

Que depuis des décennies, des journalistes et des artistes, dont vous faites partie, se sont tus devant les exactions commises, au prétexte que ces dictatures protégeaient le monde du « danger de l’islamisme ».

Dites-lui que l’ONU et les organisations internationales des droits de l’homme ont failli, et se sont contentées d’ergoter et de hausser le ton, quand on tuait des musulmans en Bosnie, en Irak, en Palestine et en Syrie. Et cela continue.

Dites-lui que les sociétés libérales, dont certains représentants se vantent d’être les porte-parole d’une civilisation supérieure, que ces sociétés se nourrissent de l’argent de l’usure et de l’exploitation, qu’elles sont prêtes à faire toutes les courbettes imaginables aux lobbies que vous connaissez, pour le pouvoir, et qu’elles placent effectivement leurs intérêts au-dessus des lois et des droits humains.

Dites-lui que devant ce tableau désolant d’une humanité à la dérive, un nouveau jour se lève dans le monde musulman, et qu’il est mû par cette conviction forte que seule la soumission à Dieu libère l’homme de son adoration de la vie matérielle et des lâchetés qui s’en suivent. Que le pas de nos révolutionnaires est rythmé par la parole « Allâhu Akbar ! ». Que ces bouleversements sont ponctués par les prières du vendredi, au cœur des mosquées. Mosquées que le régime assassin de Bachar cherche à détruire en vain.

Dites-lui qu’il en fut ainsi en Tunisie, en Egypte et en Libye.

Dites-lui qu’il faut savoir distinguer les agresseurs et les agressés. Qu’il faut savoir nommer et dénoncer les coupables. Et que tous ne se valent pas.

Dites-lui qu’Allâhu Akbar signifie : Dieu est plus Grand (et non pas Dieu est Grand). Plus Grand que l’Amérique, plus Grand qu’Israël, plus Grand que les lobbies, plus Grand que les armes russes et les prétentions chinoises, plus Grand que les salons feutrés où les aristocrates du nouvel ordre mondial discutent et s’émeuvent pendant que les peuples, là-bas, si loin, meurent de faim…

 

Ou alors, si vous n’en êtes pas capable, ayez la décence de vous taire avant d’éteindre votre poste.

 

Hani Ramadan

 

 

 

 

 

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