J’ai grandi dans un milieu familial intimement lié à l’histoire des Frères musulmans. Hassan al-Bannâ - fondateur du mouvement - est mon grand-père maternel.
Tous ceux qui ont étudié objectivement et sans a priori la vie et l’œuvre de cet homme remarquable ne peuvent qu’être touchés par la force de sa conviction et la détermination de son engagement sans faille au service de ses semblables, qui s’est traduit finalement par son martyre : il fut assassiné par les agents du roi Farouk le 12 février 1949, à 42 deux ans.
Aujourd’hui encore, plus de soixante années après son décès, son influence s’exerce non seulement dans l’ensemble du monde musulman, mais oriente aussi le travail du mouvement islamique en Occident.
Je me demande à présent pourquoi beaucoup d’intellectuels, de journalistes et d’acteurs de la vie politique ont une image négative de l’engagement des Frères. Sans être exhaustifs, j’y vois plusieurs raisons :
- Le mouvement préconise un retour aux sources de l’Islam, tout en reconnaissant les acquis positifs de la modernité. Or, il ne peut être question pour l’Occident de remettre en cause son hégémonie sur le Moyen-Orient. Les enjeux matériels et géostratégiques sont trop importants pour laisser la révolution suivre son cours en Egypte, et pour défendre même le peuple syrien contre le dictateur de Damas. Il faut donc tout mettre en œuvre pour souligner que les fondements de l’Islam sont incompatibles avec l’idée du progrès. Il faut que les pseudo-gouvernements arabes soutenus ou mis en place répondent entièrement aux exigences des administrations étrangères. Il est plus commode de s’arranger avec des pétromonarchies qu’avec des démocraties réelles. Le coup d’Etat des militaires survenu en Egypte au début du mois de juillet 2013 contre le président Morsi dévoile parfaitement cette stratégie. L’armée bénéficie toujours des subventions américaines qui ne sont pas données seulement à titre gracieux, on s’en doute. Les faits confirment à présent que jamais il n’a été question de respecter le choix des urnes. De l’extérieur et de l’intérieur, un immense travail de sabotage a été mis en place dès l’investiture du président Morsi.
- Le mouvement appelle à la libération des territoires occupés en Palestine et à la condamnation de la colonisation que poursuit sans relâche l’Etat hébreu. Les lobbies sionistes exerçant une influence considérable sur les dirigeants états-uniens et européens, ainsi que sur les médias et la presse, il est donc normal que les Frères musulmans soient soumis au feu d’une critique superficielle, qui trahit la réalité de leur doctrine, qui n’est autre que le Message de l’Islam, et que l’on peut résumer en quelques mots : appeler les hommes à aimer Dieu et à s’aimer en Dieu.
Cela pour dire que la violence ne vient pas des Frères. Ce sont eux qui la subissent aujourd’hui. Les militaires tirent sur des manifestants pacifiques, qui s’obstinent à avancer mains nues. Faire le choix des armes contre celui des urnes montre bien jusqu’où peut aller la veulerie des hommes pour défendre leurs intérêts financiers, contre la liberté des peuples.
Et pourtant, l’Islam ne cessera de porter ce Message universel à l’adresse de tous les humains. Il faut aimer Dieu plus que l’or et la tyrannie. Il faut être frères dans notre humanité.
Hassan al-Bannâ disait ainsi :
« Ô frères ! Soyez comme les arbres à qui les hommes lancent des pierres, et qui donnent des fruits. »
Hani Ramadan