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Egypte : un mensonge et des chiffres

 La nouvelle Constitution a été adoptée par un « oui » massif du peuple égyptien. On nous dit que 98% des voix se sont exprimées en ce sens, plébiscitant déjà la candidature du futur président, le général promu maréchal Sissi, invité à prendre « démocratiquement » le pouvoir.

Certes, on prétend que seulement 38% des électeurs se sont déplacés mais, tout de même, les urnes parlent donc à nouveau, comme au temps de Moubarak, alors le bien-aimé du bon peuple. Bien entendu, il y a de quoi rester sceptique.

D’abord, par une impression qui domine largement ce merveilleux tableau : celui d’être face à un mensonge par les chiffres,qui dure depuis la pétition du mouvement Tamarrod, qui aurait réuni des millions de signatures pour réclamer le départ du président Morsi. Puis par le rassemblement du 30 juin dernier, où une manifestation était censée regrouper plus de 20 millions de personnes dans le même but. Vérifications faites, la pétition s’est révélée frauduleuse. Et le décompte réel des manifestants du mois de juin, établi plus objectivement sur la base de prises de vue aériennes, ne dépassait pas le million, à moins d’estimer que 80 personnes peuvent tenir sur un mètre carré ! « Mascarade », c’est le mot qui revient dans la bouche des Egyptiens déçus, pris en otages par l’oligarchie militaire.

 

Ensuite, on doit bien considérer que l’Occident est d’une certaine façon complice de ce processus, parce que le respect du droit imposait à tous, y compris aux Etats-Unis, de dénoncer ce coup d’Etat. Les sanctions auraient dû suivre, jusqu’à ce que les élus soient libérés, les putschistes pourchassés. Or, les événements ont plutôt démontré le contraire : depuis l’investiture du président Morsi, un réseau incluant l’administration américaine, mais aussi plusieurs pétromonarchies, s’est constitué pour renverser le président légitime. Comble de la désinformation, depuis le mois de juillet, les manifestations populaires en faveur de Morsi, exprimant le refus de renoncer aux acquis de la révolution du 25 janvier 2011, se sont multipliées, sans bénéficier d’une couverture médiatique honorable.

 

Pendant des décennies, nos démocraties ont fermé les yeux sur les exactions pourtant visibles des Etats policiers. Ben Ali et Moubarak étaient des dirigeants reconnus. Nous voici donc revenu à la case départ, avec un argument qui n’est pas nouveau : cette collaboration se justifie pour prévenir le « danger islamiste ».

 

Une chose cependant pourrait faire échouer cette vaste mise en scène destinée à imposer au peuple un régime militaire déguisé en démocratie (la nouvelle Constitution stipule que le ministre de la défense sera désigné par l’armée pour les huit années à venir !) : la soif de justice qui habite les consciences libres. Et ils sont beaucoup – une majorité sans voix – qui ne connaissent plus le mur de la peur, et iront jusqu’au bout, manifestant contre l’intronisation calamiteuse du maréchal et contre l’hypocrisie de la communauté internationale.

 

 

 

Hani Ramadan

 

 

La Tribune de Genève,

 

L’invité

 

8-9 février 2014-02-08

 

24 Heures,

 

L’invité

30 janvier 2014

 

 

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