C’est avec consternation que nous avons appris que le militaire Abdel Fattah al-Sissi est venu à Davos.
L’Egypte a été victime d’un coup d’Etat qui a mis fin au processus démocratique en cours. Aujourd’hui, nombreux sont les Égyptiens qui rejettent ce régime qui a bafoué la volonté populaire, et confisqué toutes les libertés fondamentales, notamment celle d’une presse totalement indépendante.
De nombreux journalistes sont enfermés. L'Australien Peter Greste, le Canado-Egyptien Mohamed Fahmy, chef du bureau du Caire d'Al-Jazeera en anglais, et leur collègue égyptien Baher Mohamed ont écopés de peines allant de 7 à 10 ans de prison le 23 juin 2014.
Ces condamnations sans fondement ont soulevé depuis un tollé général dans le monde entier.
Plus de 40 000 citoyens croupissent actuellement en prison, pour avoir seulement demandé que le choix réel des urnes soit respecté. Al-Sissi a incarcéré des jeunes étudiantes et étudiants, par milliers, qui ont subi la torture, le viol, et une répression sauvage ne connaissant pas de limite.
Au moins 80 personnes ont entamé des grèves de la faim dans les prisons. Amnesty International a reproché aux militaires de ne pas donner à l’un d’entre eux, Mohamed Sultan, de nationalité américaine, une assistance médicale appropriée.
Abdel Fattah al-Sissi a réprimé avec une violence inouïe les manifestations qui se sont soulevées dans tout le pays, et particulièrement le sit-in de la place Rabaa, où des civils sans armes ont été massacrés. Il a encouragé militaires et policiers à tirer sur les foules, en faisant comprendre que ces actes ne seraient en aucun cas poursuivis. Plusieurs voix se sont élevées pour réclamer la condamnation de ce dictateur qui s’est imposé par les armes, dont celle de Human Rights Watch (HRW). L’organisation parle clairement de crime contre l’humanité. Le dimanche 10 août dernier, les militaires refusaient à Kenneth Roth, le directeur exécutif de HRW, ainsi qu’à Sarah Leah Whitson, sa directrice Moyen-Orient et Afrique du Nord, l’entrée en Egypte pour y remettre un rapport sur le massacre perpétré à Rabaa al-Adawiya le 14 août 2013. Tout montre dans ce dossier que les autorités ont programmé un véritable massacre. « Sur la place Rabaa, l’Egypte a perpétré une des plus grandes tueries de manifestants en une seule journée de l’histoire récente», affirme Kenneth Roth.
« Il ne s’agit pas, dit-il encore, d’un recours excessif à la force, mais d’une répression violente et planifiée au plus haut niveau du gouvernement égyptien ! »
La Suisse est dépositaire des Conventions de Genève assurant la protection des civils. Al-Sissi est aujourd’hui clairement désigné comme un dictateur responsable de crimes contre son propre peuple. Il est fort probable que son régime ne durera pas longtemps. Pour toutes ces raisons, sa venue en Suisse est-elle admissible?
L’invité
Hani Ramadan
24heures, 21 janvier 2015 et Tribune de Genève, 23 janvier 2015
http://www.tdg.ch/signatures/reflexions/Comment-peuton-recevoir-AlSissi/story/24523785