Une lettre au Dr Saïd Ramadan
Le Temps a publié un article de Stéphane Bussard intitulé Malcolm X revisité 50 ans après sa mort, le mardi 24 février 2015, où est évoquée la rencontre de Malcom X et de mon père, le Dr Saïd Ramadan, rencontre qui eut lieu au Centre Islamique de Genève.
En 1964, les deux hommes ont pu s’apprécier et Malcom X bénéficia effectivement des conseils du Dr Saïd Ramadan, dans le cheminement qui lui permit de découvrir l’Islam authentique, celui qui mêle tous les hommes dans un même élan d’adoration vers Dieu, indépendamment de la couleur de leur peau et de leurs origines.
Un mois et dix jours avant son assassinat, après être retourné aux Etats-Unis, et alors qu’il reçut de mon père une invitation pour donner une conférence à Genève, il lui envoya le courrier suivant, dans lequel il annonçait que menacé, il essayait pour l’heure de rester en vie. Cette lettre date du 11 janvier 1965. Malcom X a été tué le 21 février 1965 :
Source : Revue Al-Muslimûn, mai-juin 1965.
Lire également :
Malcolm X revisité 50 ans après sa mort, http://www.letemps.ch/Page/Uuid/f1f8923e-bba2-11e4-b1aa-59105399a835/Malcolm_X_revisit%C3%A9_50ans_apr%C3%A8s_sa_mort
Par Stéphane Bussard
Les Américains ont une perception nouvelle du leader afro-américain. Certains le placent désormais au même rang que des Martin Luther King et Rosa Parks.
A l’entrée d’un édifice de Harlem, des gerbes de fleurs ont été déposées au pied d’une statue grandeur nature de Malcolm X, l’une des figures les plus controversées de l’histoire afro-américaine aux Etats-Unis. C’est là, le 21 février 1965, que cette icône du combat des Noirs en Amérique fut abattue de 15 balles dans ce qui s’appelait à l’époque le Audubon Ballroom rebaptisé aujourd’hui Malcolm X and Dr. Betty Shabazz Memorial and Education Center.
Si samedi dernier une cérémonie de commémoration a provoqué une importante couverture médiatique, c’est parce que avec les dérapages raciaux de ces trois dernières années qui ont notamment coûté la vie à Eric Garner à New York, Michael Brown à Ferguson, Tamir Rice à Cleveland ou encore Trayvon Martin en Floride, le message de Malcolm X prônant la résistance semble retrouver une nouvelle jeunesse. Le racisme, avant tout institutionnel, continue de faire des ravages.
La fille du leader assassiné, Ilyasah Shabazz, relève que son père demeure un modèle «d’activisme strident» dans une période où personne n’ose vraiment lever la voix dans le débat racial. Devant une grande fresque de l’artiste Daniel Galvez mettant en scène Malcolm X, le président du Conseil des directeurs du centre, Zead Ramadan, le confie au Temps: «A l’époque, Malcolm X avait un message radical. Il fallait combattre un racisme ancré dans la société américaine depuis près de trois cents ans. Il ne disait pas qu’il fallait agresser ses ennemis, mais se défendre. Le personnage a toutefois évolué.»
Après la mort de son père lors d’un accident de train dans lequel le Ku Klux Klan est soupçonné d’avoir joué un rôle et l’internement de sa mère, malade, il fut élevé dans un orphelinat. Il vint s’installer à Harlem, où il s’adonna à la délinquance. Il fut emprisonné pendant plusieurs années à Boston. Après son incarcération, il rejoignit la Nation de l’Islam, un groupe religieux plaidant pour un nationalisme afro-américain dirigé par le controversé Elijah Mohammed. Sa présence provoqua un afflux de membres. Mais en 1964, il décida de rompre avec la Nation de l’Islam pour créer un nouveau groupe, l’Organisation de l’Unité afro-américaine. Il abandonna ce qu’il préconisait à l’époque: une séparation d’avec les Blancs. L’organisation d’Elijah Mohammed prit très mal son départ, considérant Malcolm X comme un traître méritant la mort. Trois membres de la Nation de l’Islam furent arrêtés, accusés d’avoir assassiné Malcolm X.
Selon Zead Ramadan, l’une des transformations de Malcolm X s’est déroulée dans la Cité de Calvin. Malcolm X a résidé chez Saïd Ramadan. Le défunt fondateur du Centre islamique de Genève l’a aidé à faire son premier pèlerinage à La Mecque en 1964. «La Suisse, poursuit le président du Conseil des directeurs du Centre Malcolm X, a été un lieu où Malcolm né Little a renforcé ses convictions. C’est d’ailleurs de Genève qu’il a écrit une lettre dont il parle dans son autobiographie, dans laquelle il relève que la question de la couleur de la peau importe peu. Ce qui compte, c’est l’humanité, l’égalité pour tous. C’est une leçon qu’il a tirée de son voyage à La Mecque et des conseils de Saïd Ramadan.»
A partir de ce moment, Malcolm X est devenu un chantre des droits de l’homme, dépassant la notion très américaine de droits civiques. Ce n’est pas un hasard si, depuis sa mort, la perception que les Américains peuvent avoir du personnage a fortement évolué. Pour la plupart des Blancs, Malcolm X était un criminel et extrémiste noir. Le magazine Time fait lui-même son mea culpa en montrant la manière dont il a décrit l’Afro-Américain au fil des ans. En 1965, il le qualifiait de «macro, de cocaïnomane et de voleur». Aujourd’hui, il le dépeint comme l’une des figures les plus influentes, aux côtés de Martin Luther King et de Rosa Parks, dans la lutte pour l’égalité des Noirs. Dans les récents slogans «Black Lives Matter» apparus sous forme de hashtag sur les réseaux sociaux, beaucoup y voient une inspiration de Malcolm X. «L’un des meilleurs baromètres pour mesurer la popularité actuelle de Malcolm X, ajoute Zead Ramadan, c’est la musique, le rap, le hip-hop.» Dans ses mémoires Les rêves de mon père, le président américain Barack Obama ne s’en cache pas. Il a aimé la capacité de Malcolm X à se transformer au cours de sa vie. Il a aimé la poésie de ses mots et l’importance accordée au respect.