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A la lumière du Coran

Sourate 102, commentaires et explication

La Rivalité dans la surabondance (at-takâthur)

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(8 versets. Pré-hégirienne)

Au nom de Dieu, le Très Miséricordieux, le Tout Miséricordieux

1)        La rivalité dans la surabondance vous distrait,

2)        Jusqu’à ce que vous visitiez les tombes !

3)        Que non ! Vous saurez bientôt !

4)        Puis (une nouvelle fois) que non ! Vous saurez bientôt !

5)        Que non ! Si vous saviez de science certaine !…

6)        Vous verrez certes la Fournaise !

7)        Puis vous la verrez certes avec l’œil de la certitude !

8)        Puis vous serez certes interrogés, ce Jour-là, sur les délices.

 

Commentaires     

Sens des expressions et explications

  1. a) La rivalité dans la surabondance vous distrait . At-takâthur : désigne le fait de rivaliser en nombre et en avoir. Le sens est précisé dans un autre passage du Coran : « Sachez que la vie présente n’est que jeu, amusement, vaine parure, une course à l’orgueil entre vous et une rivalité dans l’acquisition des richesses et le fait d’avoir des enfants… » (takâthurun fi -l-amwâli wa -l-awlâd » (Coran, 57, 20) Ce qui est confirmé par l’interprétation donnée par Ibn ‘Abbâs – que Dieu soit Satisfait de lui – : « At-takâthur, c’est le désir d’avoir de nombreuses richesses et de nombreux enfants. » (Al-Bukhârî) Les Arabes accordaient beaucoup d’importance à la tribu selon le nombre d’hommes qui la composait, et ils en faisaient un objet de fierté. Cet esprit de clan a été fermement remis en cause par l’Islam, qui rappelle que la noblesse des individus relève avant tout de la piété et de la foi.
  2. b) Jusqu’à ce que vous visitiez les tombes ! Ibn Kathîr rapporte que ce verset aurait été révélé suite à une altercation entre deux tribus arabes, chacune vantant ses hommes et ses ancêtres, au point qu’elles finirent par se rendre vers les tombes, dénombrant leurs morts. Mais le sens véritable de ce verset, selon Ibn Kathîr lui-même, doit être compris de façon plus large : la recherche de cette surabondance vous distrait « jusqu’à ce que vous visitiez les tombes » pour y être enterrés. Maymûn Ibn Mahrân a dit : « J’étais assis chez ‘Umar Ibn ‘Abd Al-‘Azîz et il lut : « La rivalité dans la surabondance vous distrait, jusqu’à ce que vous visitiez les tombes ! » Il se tut un instant, puis dit : « Ô Maymûn ! Je vois que les tombes ne sont qu’un lieu de visite, et il est absolument nécessaire que le visiteur revienne chez lui ! » Chez lui, c’est-à-dire au Paradis ou en Enfer. (Kath.)
  3. i) Que non ! Vous saurez bientôt ! Comme nous l’avons déjà indiqué, cette particule kallâ, « que non », sert en arabe à souligner une forte réprobation et un avertissement. Les grammairiens arabes Sîbawayh et Al-Khalîl ne lui reconnaissent que ce sens (Ibn Hishâm, mughni -l-labîb, mot : kallâ). Elle signifie ici que les hommes devraient être plus soucieux de l’au-delà que de ce qui les distrait vainement en ce monde. La répétition permet d’accentuer l’avertissement contenu dans ce verset. Ibn Hishâm remarque que d’autres experts de la langue arabe, comme Al-Kasâ’î et Abû Hâtim sont d’avis que kallâ, selon le contexte, peut avoir le sens de « vraiment », « oui », ou encore « n’est-ce pas ? »
  4. j) Puis (une nouvelle fois) que non ! Vous saurez bientôt ! Cette expression est répétée deux fois, car « lorsque les Arabes veulent marquer l’intimidation et la menace contenues dans une parole, ils répètent celle-ci à deux reprises. » (Taba.)
  5. k) Que non ! Si vous saviez de science certaine !… ‘Ilm al-yaqîn : « la science de la certitude ». Dans le sens : « Si vous viviez en ayant une conscience certaine de votre retour à Dieu, vous ne seriez pas tant distraits par cette rivalité dans l’acquisition des biens qui accapare à ce point vos esprits ! » ou encore : « Si vous saviez, vous reviendriez de votre incroyance. » (Al-‘Ukbarî).)
  6. l) Vous verrez certes la Fournaise ! Al-Jahîm : le Feu intense. Le verbe jahama veut dire : allumer et attiser le feu. Les commentateurs précisent que ce verset constitue la deuxième partie d’un serment divin sous-entendu, le sens étant : Par Dieu, vous verrez l’Enfer de vos yeux. (A-Khazin, Makhlûf)
  7. m) Puis vous la verrez certes avec l’œil de la certitude ! La répétition et l’expression « avec l’œil de la certitude » sont là pour renforcer la réalité de cette vision. L’expression thumma peut être comprise dans son sens le plus courant : « puis », et dans ce cas il faut distinguer les deux visions. Ce qui a conduit Muhammad Asad à considérer que le verset « Vous verrez certes la Fournaise ! » nous renverrait à la vision de l’enfer terrestre où vivent déjà les hommes égarés par la recherche excessive et illusoire de la richesse, et par la destruction de leur environnement naturel ; alors que le verset « Puis vous la verrez certes avec l’œil de la certitude » nous renverrait à l’Enfer de l’après vie [1].

     

    [1] Signalons que cette lecture du Coran fut à l’origine de sa conversion à l’Islam. Léopold Weiss, devenu Muhammad Asad, explique en effet dans son livre Le Chemin de La Mecque comment il avait été frappé par la tristesse marquée sur les visages d’hommes et de femmes empruntant un métro berlinois dans un compartiment de première classe. Il avait lu cette sourate, et il eut le sentiment qu’elle décrivait parfaitement la trajectoire des hommes aliénés à la matière. Le Chemin de La Mecque, par Muhammad Asad, traduction Roger du Pasquier, éd. Fayard, 1976, pp. 282-284.

    Ces deux versets marquent une progression dans la force de la certitude. Mais on peut aussi bien comprendre le mot thumma comme ayant le sens de « puis (une nouvelle fois) », comme au verset 4, où il ne fait qu’introduire une répétition.
  8. n) Puis vous serez certes interrogés, ce Jour-là, sur les délices. Dieu vous interrogera sur les bienfaits (an-na‘îm : la félicité, les plaisirs et les délices) dont vous avez bénéficié en ce monde : Comment les avez-vous obtenus et qu’en avez-vous fait ? D’après Ibn Mas‘ûd – que Dieu soit Satisfait de lui – et Mujâhid, les délices renvoient à « la sécurité et la santé ». Ibn ‘Abbâs – que Dieu soit Satisfait de lui et de son père –   affirme : « La santé des corps, de l’ouïe et de la vue. » Il ajoute : « Dieu interrogera Ses serviteurs sur l’usage qu’ils en ont fait, alors qu’Il sait mieux qu’eux de ce qu’il en fut ! Cela revient à Sa parole : « L’ouïe, la vue et le cœur : sur tout cela, en vérité, on sera interrogé. » (Coran, 17, 36) » Pour d’autres, l’expression renvoie aux aliments. Sa‘îd Ibn Jubayr consomma un jour du miel qu’on lui avait apporté, et déclara ensuite : « Cela, c’est le na‘îm au sujet duquel vous serez interrogés. » Abû Hurayra – que Dieu soit satisfait de lui – rapporte que le Messager de Dieu (Dieu le couvre de bénédiction et de paix) était sorti un jour ou une nuit, et il se trouva face à Abû Bakr et ‘Umar. Il leur demanda : « Qu’est-ce donc qui vous a fait sortir de chez vous à cette heure ? » Ils répondirent : « La faim, ô Messager de Dieu ! » Le Prophète (Dieu le couvre de bénédiction et de paix) reprit : « Et moi donc, par Celui qui tient mon âme dans Sa main, je suis sorti pour une raison identique ! Levez-vous ! » Ils se levèrent avec lui. Il se rendit chez un Médinois, mais il apprit qu’il s’était absenté. Lorsque la femme le vit, elle dit : « Bienvenue, vous êtes chez vous! » Le Messager de Dieu (Dieu le couvre de bénédiction et de paix) lui demanda : « Où est untel ? » Elle répondit : « Il est allé chercher pour nous de l’eau pure. » Le Médinois arriva, il vit le Messager de Dieu (Dieu le couvre de bénédiction et de paix) et ses deux Compagnons – que Dieu soit Satisfait d’eux – , puis il s’exclama : « Louange à Dieu ! Nul aujourd’hui n’a de plus nobles invités que moi ! » Il s’en alla et revint à eux avec une grappe de dattes fraîches, mûres et juteuses. Il leur dit : « Mangez ! » Il prit alors un coutelas. Le Messager de Dieu (Dieu le couvre de bénédiction et de paix) lui dit : « Garde-toi d’immoler un animal donnant beaucoup de lait ! » Il égorgea pour eux une brebis, et ils en mangèrent. Ils mangèrent aussi de ces dattes, et ils burent (de l’eau fraîche). Lorsqu’ils furent rassasiés et désaltérés, le Messager de Dieu (Dieu le couvre de bénédiction et de paix) dit à Abû Bakr et ‘Umar : « Par Celui qui tient mon âme dans Sa main, vous serez certes interrogés sur ces délices au Jour de la résurrection. La faim vous a sortis de vos demeures, et vous n’êtes pas revenus sans avoir bénéficié de ces délices ! » (Muslim) Il a été rapporté également que lorsque ce verset fut révélé « Puis vous serez certes interrogés, ce Jour-là, sur les délices », Az-Zubayr – que Dieu soit Satisfait de lui – déclara : « Ô Messager de Dieu, au sujet de quels délices serions-nous interrogés, alors que nous ne consommons que ces deux aliments (text. : les deux noirs) : les dattes et l’eau ! » Le Prophète (Dieu le couvre de bénédiction et de paix) lui dit : « Il en sera certes ainsi ! » (At-Tirmidhî, qui considérait ce hadith de bonne authenticité – hasan –.) Notons qu’après avoir énuméré ces interprétations de la signification du mot na‘îm, At-Tabarî a considéré qu’il faut entendre cette expression dans son sens général, et que toutes ces significations sont également valables. D’après Abû Hurayra, le Prophète (Dieu le couvre de bénédiction et de paix) a dit : « Les deux pieds du serviteur ne bougeront pas au Jour de la résurrection jusqu’à ce qu’il soit interrogé sur quatre éléments : sur sa vie, comment l’a-t-il épuisée ? Sur sa jeunesse, comment l’a-t-il consumée ? Sur son bien, d’où l’a-t-il acquis et comment l’a-t-il dépensé ? Et sur son savoir, qu’en a-t-il fait ? » (At-Tabarânî, Al-Bazzâr)

 

Quelques enseignements :

-          Cette sourate comprend une mise en garde contre le matérialisme et l’amour excessif de la richesse, du pouvoir et du nombre. Elle est d’une modernité étonnante, comme l’indique Muhammad Asad : « Cette sourate mecquoise de la première période constitue l’un des passages du Coran qui est le plus influent et le plus prophétique. Il éclaire l’ambition incontrôlée de l’homme en général, et plus particulièrement, les tendances qui se sont mises à dominer toutes les sociétés humaines dans notre ère technologique. » (Asad) On peut d’ailleurs considérer que cette course effrénée, autant qu’absurde en définitive, constitue le moteur de nos sociétés dites « libérales ».

-          Le rappel d’une mort qui est inéluctable est là pour réveiller notre conscience. Rien de ce que nous possédons ne restera entre nos mains. La véritable richesse est notre capital de foi et de bonnes actions. D’après Mâlik Ibn Ânis – que Dieu soit satisfait de lui – le Messager de Dieu (Dieu le couvre de bénédiction et de paix) a dit : « Trois choses suivent le mort (vers sa tombe). Deux reviennent et une seule reste avec lui : Le suivent ses biens, les siens, et ses actions. Reviennent les siens et ses biens, et restent ses actions. » (Al-Bukhârî) Le Prophète (Dieu le couvre de bénédiction et paix) lut ce verset : « La rivalité dans la surabondance vous distrait », et il ajouta : « L’enfant d’Adam dit : « Mon bien ! Mon bien ! » Et n’as-tu d’autres biens que ce dont tu as fait l’aumône et qui ne t’appartient plus ? Ou ce que tu as mangé et fait disparaître ainsi ? Ou ce dont tu t’es vêtu et que tu as usé ? » (At-Tirmidhî, qui le considérait de bonne et excellente authenticité – hasan, sahîh –.)

-          Il faut, au-delà des bienfaits, ne jamais oublier le Bienfaiteur, et donc faire le meilleur usage de ce qui nous est donné.

Source : A la lumière du Coran, par Hani Ramadan, éditions Tawhid, Lyon, Paris.

 

Audio https://www.youtube.com/watch?v=BVk5hGbBM6M

 

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