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La naturalisation facilitée et l'image de la burqa

Le peuple suisse va se prononcer sur la naturalisation facilitée des jeunes de la troisième génération. Il s’agit simplement, en fait, de personnes nées en Suisse, ayant effectué toute leur scolarité dans notre pays, et dont les parents, italiens, espagnols, portugais, albanais, turcs et tamouls sont installés sur notre territoire depuis de longues années.

Ce sujet n’a donc rien à voir avec les pratiques musulmanes, notamment celle du port du voile intégral. La campagne que  mène l’UDC révèle l’aberration des méthodes utilisées, reposant sur des amalgames et des raccourcis inacceptables.

Il y a quelques jours, en partance pour Fribourg, et ayant quinze minutes d’avance sur le train, je suis resté dans le hall de la gare de Genève, et là, surprise, sur un large écran mobile lumineux, à intervalles réguliers, je vis apparaître l’image géante d’une femme en burqa noire au regard menaçant, avec ces mots : « Naturalisations incontrôlées ? NON à la naturalisation facilitée ». Et toujours le même jeu entre les couleurs blanche et rouge – celles de notre bonne Suisse – et le noir cadrant une sorte de fantôme féminin sorti des ténèbres…

Que doit-on comprendre ? Comment confondre à ce point l’infantilisation du citoyen lambda et une démocratie saine ?  Quel rapport entre les jeunes concernés, dont la grande majorité n’est pas musulmane, et ce portrait large de sous-entendus incohérents pour les esprits les plus éveillés, mais terriblement efficace pour influencer ceux qui, de plus en plus nombreux, subissent le matraquage médiatique diabolisant, directement ou indirectement, l’islam à forte dose ?

Comme pour l’image des minarets missiles, on ne pense plus, mais on se défend contre un ennemi qui prétend voler les couleurs de notre pays !

A la gare, pendant les quelques minutes qui me restaient encore, j’ai observé les gens allant et venant, et un sentiment de tristesse mêlée de révolte m’a envahi : contre l’ignorance qui creuse jour après jour un fossé entre des hommes qui ne dialoguent plus, mais qui se croisent sans se rencontrer. Contre cette islamophobie qui se conjugue désormais à tous les modes de la haine, du rejet et de la dérision. Contre la banalisation d’une forme de racisme diffus qui ne dit pas son nom.

La burqa noire cristallise d’une façon magistrale cette évidence : c’est bien l’étranger, celui qui vient d’ailleurs même s’il est né ici, que l’on vise, en le ramenant stupidement à une identité qui n’est pas la sienne.

Est-ce bien là la Suisse que nous voulons ?

 

Hani Ramadan

Directeur du Centre Islamique de Genève

L’invité,

24 heures, 9 février 2017

Et Tribune de Genève,

abrégé, 6 février 2017

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