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De la géographie par le massacre

Nous connaissons tous, du moins ceux qui parmi nous suivent l’actualité depuis quelques décennies, les villes de Srebrenica, Sarajevo, Mostar ; de Prekaz, Mitrovica, Pristina ; d’Alep, Dera, Idlib, Homs, et de Grozny…

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Guerre 39-45? Non. Grozny, mars 1995

 

Liste à laquelle on peut ajouter quelques pays et régions, comme le Turkestan oriental (patrie des Ouïghours assimilée à la Chine), la Birmanie, et aussi l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, la Thaïlande, l’Inde et Gaza. Liste qui malheureusement est loin d’être exhaustive.
Qu’ont en commun ces lieux géographiques ? Ils ont tous été, ou sont le théâtre de massacres de musulmans, très souvent à grande échelle. Et de certaines de ces tueries, nous sommes informés en temps réel, parfois pendant des mois, et même pendant des années, sans que la communauté internationale ne réagisse immédiatement.
De négociations en tergiversations, de prises de résolutions en « droit de veto », les atrocités nous sont d’abord livrées à grands bruits, puis par petites touches, puis elles tombent dans l’oubli à force d’être répétées. Parce que l’on s’habitue à tout : même à l’horreur à deux heures et demie d’avion de chez nous, pourvu que les cris ne troublent pas notre sommeil.

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Qui connaîtrait Srebrenica, sans les massacres commis?


Ces villes et ces pays, dont nous avons appris les noms exotiques à ces tristes occasions marquées du sceau de l’infamie humaine, ce ne sont pas seulement des lieux dessinés abstraitement sur une carte, mais se sont surtout des milliers, et parfois des millions d’êtres humains victimes de violences inouïes, allant de l’assassinat à l’exil en passant par le viol et la déportation.
Hormis notre triste apprentissage de cette « géographie par le massacre », il est possible de relever au moins deux causes qui ont permis et permettent encore à la barbarie de s’exercer de la sorte :
Premièrement, on peut faire cette observation qui n’est un secret pour personne : ce qui oriente avant tout les stratégies de nos Etats, ce ne sont pas les droits de l’homme, ni le respect de la vie, mais des intérêts économiques géostratégiques. La Chine a invité la Suisse à bénéficier des revenus de la nouvelle route de la soie. Cela s’est fait, alors que des milliers de Ouïghours subissent dans le Turkestan oriental une répression qui touche plus du 10e de sa population musulmane : les habitants du Xinjiang sont conduits dans des « camps de rééducation », afin d’y subir tortures et lavages de cerveaux. Les enfants sont séparés de leurs parents pour accélérer leur assimilation à la culture chinoise. Toute pratique musulmane y est interdite. Les dissidents récalcitrants disparaissent. La presse officielle n’hésite pas à parler désormais de « détentions par millions et d’endoctrinement de masse.» Il est vrai que plusieurs pays européens, dont la Suisse, que ce soit par leur gouvernement ou leur société civile, ont critiqué ou questionné la politique de Pékin, notamment dans l'enceinte du conseil des droits de l'homme à Genève. Mais on est toujours dans le registre de remontrances verbales, totalement inefficaces pour empêcher l’horreur. Les affaires sont les affaires, et on continue à accueillir dans nos capitales le responsable de cette politique qui prend des dimensions génocidaires, la Chine représentant un marché qui ne peut être négligé. Retenons de plus que le silence qui entoure le Xinjiang est aussi entretenu par l’attitude consternante des Etats censés défendre leurs coreligionnaires. Où sont passés la coopération des Etats islamiques et la Ligue des Etats arabes ? La plupart des dirigeants arabes se gardent de proférer la moindre critique à l'égard de l’empire du Milieu. Au contraire, les principaux pays (dont l’Egypte et l’Arabie saoudite surtout) félicitent la Chine pour sa politique des droits de l'homme qui devient un modèle ! Il est vrai qu’il est difficile d’attendre de putschistes et de monarques qui violent systématiquement les droits humains chez eux, qu’ils les défendent ailleurs !

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Egypte : massacre des opposants à la dictature militaire

Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salman à Pékin, en quête de contrats, est allé jusqu’à déclarer : « La Chine a le droit de mener des activités de lutte contre le terrorisme et contre l’extrémisme pour sa sécurité nationale » !

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Chine : les pratiques musulmanes sont un crime


Or c’est toujours, deuxièmement, le même prétexte qui justifie l’action des tortionnaires en place, qu’ils soient Chinois, Birmans, Russes, Saoudiens ou Syriens : la lutte contre le « terrorisme islamiste ». L’action de groupuscules extrémistes suffit à passer sous silence l’abolition d’un peuple. Exemple flagrant : dans l’esprit de beaucoup, l’équation syrienne s’est subitement réduite au conflit qui oppose Bachar El Assad à Daesh. Mais où sont passés les millions de Syriens qui revendiquaient leur droit de choisir leur chef d’Etat ? Ils n’existent plus. Ils ont été effacés. Et le dictateur de Damas tue encore.
C’est ainsi que nos gouvernements, d’ici et d’ailleurs, versent désormais impunément dans la barbarie. Si la non-assistance à personnes en danger s’appliquait à nos Etats comme elle s’applique aux individus, quelle administration occidentale, quelle dictature arabe pourraient échapper à une condamnation définitive ?
Et que dire de l’ONU, dont la vocation au dialogue sert trop souvent de caution et de couverture à la reconnaissance implicite de dictatures en place, dont les dirigeants devraient être diligemment conduits au Tribunal de La Haye ?
Et pour couronner le tout, les nations modernes sont prises de convulsions islamophobes qui favorisent la montée en force des extrêmes droites, et pas seulement en Europe. Les démocraties, dominées par le repli identitaire, risquent à nouveau d’engendrer les monstres qui les dévoreront ! Les victimes ? Les minorités musulmanes, qui, ici et là, subissent des actes de violences répétées au gré d’élections populaires, autorisant le plus grand nombre à manifester une haine ultra-nationaliste par la légitimité pervertie des urnes.

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Ce musulman birman, un terroriste?

 

Hani Ramadan

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