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  • L'EXCELLENCE DE LA CHARIA

    Je réponds aux interventions de Messieurs Jean-François Mabut et Michel Sommer sur la loi divine en Islam.

    Une remarque préliminaire : mes interlocuteurs parlent de “ Allah, ou Dieu dans la Bible ”. Dans les langues sémitiques, dont fait partie l’arabe, comme l’hébreu ou l’araméen, la racine al (ou el) sert à nommer Dieu.

    Dieu est appelé El, ou Elah. Le nom Elohim revient plusieurs fois dans l’Ancien Testament pour désigner le Dieu des Hébreux. C’est la forme plurielle d’Eloah. On la retrouve dans le Coran : Allâhum, qui est l’équivalent de  “ Ô Grand Allâh ! ”

    Le Nouveau Testament lui-même rapporte que Jésus s’adressait à Dieu en disant : “ Eli, Eli ! ” C’est-à-dire : “ Mon Dieu, Mon Dieu ! ”

    Eli, en arabe, se dit : Ilâhî, et signifie pareillement “ mon Dieu ”.

    Rappelons que le mot dieu viens du terme latin deus, qui tire primitivement son origine de la racine deiv, terme lié dans les mythologies à l’idée de “ ciel lumineux ”.

    A l’origine, ni la Tora, ni l’Evangile, ni le Coran n’utilisent le mot latin deus pour désigner le Créateur. Il faut donc prendre conscience du caractère universelle du nom propre Allâh dans la tradition monothéiste abrahamique.

    Venons-en à notre sujet : il ne faut pas confondre la sévérité de la loi divine, et la méchanceté des hommes. Pour les musulmans, comme d’ailleurs pour les juifs, la Révélation est bien la parole de Dieu. Le christianisme évoque plutôt une parole inspirée. Or, de toute la tradition abrahamique, seul le Coran a été conservé dans son intégralité. La Bible comprend des passages authentiques, mais auxquels se mêlent malheureusement des ajouts qui sont le produit de l’homme.

    Les Prophètes ont compris que la Révélation procédait d’un ordre divin supérieur à l’intelligence humaine. C’est pourquoi on imagine mal Moïse, Jésus et Muhammad remettant en cause les prescriptions divines. Ces lois viennent du Créateur suprême : L’Eternel qui a conçu la vie et la mort, le bien-être et la souffrance. L’idée que la Révélation prive l’homme de son autonomie en tant que sujet pensant est largement répandue dans la philosophie moderne : de Feuerbach à Marx en passant par Sartre et les humanistes modernes, on a considéré que la foi aliénait l’homme à un ordre transcendant, le privant de l’usage légitime de ses facultés. Aujourd’hui, on revient fort heureusement de cette conception qui est en réalité extrêmement naïve. L’islam montre que l’intelligence humaine se réalise pleinement lorsqu’elle est orientée par une sagesse supérieure entièrement comprise dans la Révélation authentique. Méditer le Coran, ce n’est pas se condamner à rejeter les arguments de la raison : le Coran nous invite au contraire à utiliser nos facultés rationnelles pour récuser la superstition, les représentations fantaisistes de la divinité, mais aussi pour comprendre le bien fondé des règles qui sont énoncées dans le Livre sacré.

    Prenez par exemple le talion. Le Coran affirme : “ Et vous avez vie dans le talion, ô vous doués d’intelligence. Peut-être atteindriez-vous la piété ! ” (Coran, 2,179) Ce qui signifie – notez l’éloquente concision de l’expression coranique – que le talion a historiquement constitué un réel progrès par rapport aux lois et aux habitudes tribales où l’on n’hésitait pas à décimer l’ensemble des membres d’un clan pour le crime d’un seul individu. L’exigence d’équité du talion (la vie du criminel contre celle de la victime) met ainsi un terme au cycle de la violence. Tout comme la perspective de la peine encourue est dissuasive et permet de préserver la vie des victimes potentielles comme, par conséquent, la vie de ceux qui seraient tentés par le crime. Nous traduisons pour simplifier le terme qisâs par le mot talion. En fait, il conviendrait d’être plus précis : le mot qisâs comprend l’idée de poursuivre le criminel afin qu’il soit puni dans une proportion équivalente à la nature même de son crime. Cependant, la possibilité de pardonner ou de réclamer le prix du sang à la place du talion est mentionnée dans le Coran comme “  un allégement de la part de votre Seigneur et une miséricorde. ” (Coran, 2, 178)

    Or, si l’on s’applique à dépasser le cadre purement émotionnel relatif au débat sur les châtiments divins, par l’usage d’une saine raison, on remarque que cette sévérité relève d’une forme de pédagogie miséricordieuse. Dieu connaît les hommes mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes. Il existe en revanche un prétendu “ humanisme positiviste ” qui n’est en réalité qu’une imposture : la criminalité, le vice et la corruption, le proxénétisme et la prostitution gagnent du terrain dans notre monde dit libre et moderne. Il est tellement facile de confondre liberté et libertinage.

    Mais je dis que les femmes sont les principales victimes de ce système. J’ajoute qu’un Etat authentiquement islamique devrait immédiatement subvenir aux besoins de toutes celles qui sont réduites à la prostitution, et interdire leur asservissement.

    Sans la double perspective de la dissuasion et du pardon, les hommes finissent nécessairement par tomber dans des excès dévastateurs. C’est à ce juste milieu que nous convie aujourd’hui l’islam.

    Et c’est pourquoi nous sommes convaincus de l’excellence de la sharî‘a.

     

     

  • La mort d'un prof.

    Adieu, Monsieur le Professeur

    Il s’appelait Christophe SALVI.

    Il avait été le prof. de ma fille pendant près de deux années à l’école primaire de Trembley 1.

    Je l’avais rencontré trois ou quatre fois. Toujours j’avais été impressionné par sa chaleureuse attention vis-à-vis des parents, et aussi par la rigueur du programme effectué en classe. La qualité des prestations du Département de l’instruction publique au niveau primaire, dans notre canton, mérite d’ailleurs d’être relevée. Je parle du travail minutieux et passionné des enseignantes et des enseignants, bien entendu.

    Lors de notre dernière rencontre, il m’avait informé qu’il avait été l’élève de mon frère Tariq, lorsque ce dernier, avant de connaître la brillante carrière académique que l’on sait, professait encore au Cycle des Coudriers. Il est des enseignants qui suscitent incontestablement des vocations et qui marquent à tout jamais leurs élèves…

    Comme le monde est petit !

    Et combien la vie y est si courte !

    J’ai appris cette semaine la mort de Christophe SALVI, à l’âge de 33 ans.

    Avant de le quitter, j’avais perçu dans son regard une inquiétude que je ne m’explique qu’aujourd’hui. Il savait probablement alors le mal dont il était atteint, et il devait avoir conscience de sa gravité. Et cependant, il cachait la chose derrière un sourire et une bonté qui ne le quittaient pas. On nous a appris ensuite qu’il serait remplacé.

    Puis est venue la terrible nouvelle.

    A présent, je regrette de ne pas lui avoir parlé de ma foi. De ne pas avoir eu l’occasion de lui rappeler que nous sommes tous des condamnés en sursis, même si pour certains, l’attente est seulement un peu plus longue. Que Dieu existe et que la vie n’aurait pas de sens sans cela ! Je n’en ai pas eu le temps, et j’en suis triste. J’aurais voulu tenir sa main avant qu’il ne s’en aille.

    La mort est là pour nous faire comprendre que tout individu est unique, irremplaçable, et que sa disparition est irrémédiable, du moins ici-bas. Son message est salutaire pour nos cœurs : nous devons agir avant qu’il ne soit trop tard.

    Aimer et témoigner.

    Ecrire à la craie blanche au tableau noir :

    « A Dieu nous appartenons, et à Lui nous revenons. » (Coran, 2, 156)

  • L'émotion est africaine

    Cela s'est passé lors d'un séminaire sur l'islam et les défis contemporains, en Afrique occidentale. En marge du programme, je rencontre un jeune étudiant et nous faisons connaissance. Abd-Allah est le fils aîné d'une famille de neuf enfants. Il me parle surtout de sa mère. Elle s'était particulièrement occupée de lui, car il était de faible constitution, et souvent malade. Le frère de son époux était décédé, laissant une famille également nombreuse, et aussitôt la mère de Abd-Allah avait accepté que son mari prenne la veuve comme seconde femme. Par solidarité, et en partageant le peu qu'ils possédaient.

    Lui était à présent dans la capitale pour poursuivre ses études, mais son coeur était ailleurs. Il me dit : "Lorsque je pense à ma mère, je frémis." Et effectivement, je vois un frémissement passer sur son visage, sa paupière et ses yeux débordant de larmes. Un frémissement qui s'étend aux arbres dans la fraîcheur du matin, et jusqu'au ciel immense.

    Et je me dis en écoutant Abd-Allah : Combien de jeunes gens, à l'abri des besoins les plus élémentaires, dans le monde dit moderne, ont la capacité d'éprouver un tel sentiment ? L'amour pur et incommensurable pour celle qui fut le refuge, la tendresse et la miséricorde?

    Telle est finalement la vraie richesse. Le vrai trésor.

    L'émotion est africaine.