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Démocratie et islamophobie

 Winston Churchill a dit un jour : « La démocratie est le pire des systèmes, à l'exclusion de tous les autres. » Remarque pertinente, bien que prétentieuse : Churchill ne connaissait pas tous les autres systèmes, y compris celui de l’Etat islamique. Il reste que la démocratie peut conduire les hommes aux pires extrémités. A titre d’exemple, il suffit de rappeler qu’Adolf Hitler a été élu chancelier d’Allemagne en janvier 1933.

La démocratie appartient à ceux qui savent mobiliser et orienter l’opinion publique. Cette opinion, hélas, est plus réceptive aux sensations fortes qu’à la réflexion profonde, plus encline à l’émotion qu’à la raison, et plus sensible à l’image qu’au concept.

Observons les méthodes publicitaires pour vendre en masse  les produits de consommation: beaucoup de représentations, et peu de texte. On baigne constamment dans le registre de la caricature.

Or, il suffit de considérer l’affiche proposée par l’UDC en novembre dernier pour se convaincre que l’on est aux prises avec la même logique de communication : des minarets rangés comme des missiles, une femme casquée d’une étrange burqa militaire, un grand « STOP ! OUI » à l’initiative contre les minarets pour repousser l’envahisseur. Féministes effrayées par l’islam, chrétiens angoissés par la trop forte visibilité de la foi musulmane, citoyens convaincus des effets néfastes d’une immigration incontrôlée, - chacun trouve là de quoi nourrir sa phobie et désigner le coupable.

Il existe cependant des raisons plus profondément ancrées dans l’inconscient collectif européen qui expliquent le rejet de l’islam.

Le journaliste et écrivain d’origine juive Leopold Weiss (converti à l’islam sous le nom de Muhammad Asad) a soutenu une thèse intéressante dans ses œuvres, notamment L’islam à la croisée des chemins. Il y affirme : « Le premier grand choc entre l’Europe unie d’un côté, et l’Islam de l’autre, à savoir les Croisades, a coïncidé avec la naissance même de la civilisation européenne. » Il en va explique-t-il, des nations comme des individus : « les impressions violentes reçues au cours de la première enfance persistent, consciemment ou inconsciemment, tout au long de la vie ultérieure. » Ainsi la « psychologie des masses européennes » est-elle marquée par ce traumatisme.1 Historiquement en effet, la première cause commune que les nations occidentales allaient défendre était liée à leur identité chrétienne qui s’affirmait contre le monde barbare. Et cela est resté quelque part dans l’arrière-fond de bien des esprits.

Autre raison : le travail des médias qui contribue à inverser les rôles. Il s’agit de faire croire que les nations musulmanes agressées sont en fait responsables de la violence et du terrorisme. Partout, c’est l’image des attentats qui heurte l’opinion publique convaincue de la culpabilité des fanatiques musulmans. Quelques mots répétés au journal télévisé, quelques images reprises en boucle, et le tour est joué : en cause, le terroriste itinérant de la nébuleuse d’Al-Qaida, ou l’Afghan taliban qui menace la civilisation. Quelle place pour une réflexion saine qui nous conduirait posément à penser, comme l’affirmait avec raison un journaliste, que les Américains ne sont pas en Afghanistan pour résoudre le problème, mais qu’ils sont le problème ?

Il est évident que les musulmans doivent désormais prendre conscience des obstacles qui contribuent à fausser les débats, et s’engager à contribuer à un dialogue de civilisations reposant sur des fondements authentiques et raisonnables. Mais il est tout aussi évident que nos démocraties ne valent rien si elles sont dominées par des émotions malsaines, et orientées par une islamophobie discriminatoire.

 Hani Ramadan

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