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Du bon usage d’un dictateur

Un dictateur est toujours une calamité pour son pays. Calamité lorsqu’il le dirige d’une main de fer et confisque ses libertés fondamentales, mais calamité aussi lorsque sur le déclin, il choisit de massacrer son peuple. Kadhafi illustre bien cette réalité. Pour garder le pouvoir, il n’a pas hésité à envoyer son armée contre des civils.

C’est aussi une aubaine pour toutes les nations qui visent à exploiter les ressources de ce pays : hier par des contrats juteux à des prix astronomiques, et aujourd’hui en engageant une guerre bien légitime, certes, mais dont on tirera le meilleur parti en rappelant son coût exorbitant.

Y a-t-il une part d’humanisme dans tout cela ? Dans le discours, certainement : tous fustigent à présent le despote qu’ils accueillaient dans un passé récent en grande pompe, et qui pourtant est le même homme connu depuis des décennies pour ses crimes. Mais derrière les mots et les propos convenus, les actes sur le terrain – comme les demi-mesures de l'Otan qui laissent à l’autocrate toute latitude pour martyriser hommes, femmes et enfants –  révèlent qu’il est encore et toujours question de stratégies visant à préserver des intérêts matériels. Jusqu’à la nausée et l’écœurement.

"La situation à Ajdabiah et, particulièrement à Misrata, est désespérée pour les Libyens qui sont bombardés par le régime (de Kadhafi)", a souligné le général canadien Charles Bouchard, qui dirige les opérations de l'Otan en Libye, dans un communiqué rapporté ce 10 avril 2011 par les agences de presse.

Par leurs liens sournois avec la dictature, alors que Kadhafi régnait, les Etats occidentaux ont échoué  dans leur obligation de défendre les droits de l’homme. Et aujourd’hui, ils échouent encore en faisant durer un conflit favorable au renflouement de leurs caisses et à leurs industries d’armement.

Allons plus loin. L’effet dominos n’est pas souhaitable. La libération de tous les peuples arabes, et au-delà, d’autres nations du Tiers monde, annoncerait le déclin de l’hégémonie occidentale. Il est donc préférable d’entretenir, aussi longtemps que cela est possible, des guerres civiles conduisant à une situation de troubles et d’appauvrissement – et ceux qui pensent que cette observation relève de fantasmes n’ont qu’à considérer le cas de l’Irak.

L’enlisement de ce conflit apparaîtra à beaucoup comme étant la marque d’une ingérence maladroite. Pour d’autres, il sera le signe d’une manœuvre habile et machiavélique permettant de freiner l’élan trop brutal des revendications populaires qui menacent des alliances géostratégiques.

Il y a en fait un double discours : une parole publique qui prend ouvertement le parti des révolutions et réclament ici et là la démocratie pour tous ; et les entretiens diplomatiques, qui se déroulent à l’ombre, sous la pression des lobbies, et qui hésitent longuement à se départir de cette ultime carte que représente la dictature. 

A cela s’ajoute la présence, au cœur du monde musulman, de l’Etat sioniste. Sa défense est impérative. Tout comme il est nécessaire pour lui de conserver une position dominante. Sa collaboration avec les dictatures voisines assurait son extension. Cela est tellement évident que les porte-parole du gouvernement de l’Etat hébreu observent avec inquiétude le déboulonnement possible de Bachar el Asad en Syrie, considéré pourtant, officiellement, comme un ennemi. Plutôt un despote illégitime qu’un peuple en colère.

 

 Quand bien même rien n’arrêtera désormais la colère des peuples.

 

 

Hani Ramadan

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