C’est avec ahurissement que j’ai pris connaissance de l’article de Maître Marc Bonnant dans le Matin Dimanche du 6 novembre 2011, rendant hommage à « Charlie Hebdo ».
Libre à vous de défendre la liberté d’expression, et le caractère inadmissible d’une agression contre un organe de presse. Mais cela ne vous autorise en aucun cas à aligner des contrevérités sur la splendeur de la civilisation musulmane. Sachez donc que :
- La culture islamique a apporté une importante contribution dans tous les domaines du savoir, allant de la médecine à la sociologie en passant par les mathématiques et la philosophie, cela alors que l’Europe était plongée dans l’obscurantisme. Sans la lumière qui est née à La Mecque et Médine, vous ne seriez pas là pour relever l’héritage de la pensée grecque. L’oublier en évoquant Carthage est un raccourci qui révèle soit une ignorance feinte, soit une volonté de dénigrement.
- L’islam professe que l’homme n’est libre que s’il choisit de se soumettre à Dieu. Dans le cas contraire, il adore nécessairement une idole. Ce peut être son petit moi, ou une forme de nombrilisme qui consiste à s’estimer supérieur aux autres.
- Les mouvements islamiques soutenus par les peuples musulmans ont vécu des décennies d’emprisonnement et de torture, alors qu’ils réclamaient le respect de la volonté populaire. Et vous venez nous dire à présent que ces peuples ne sont pas mûrs pour déterminer leur avenir. Nous n’avons pas entendu votre voix, Maître Bonnant, lorsque les dictateurs se livraient aux pires exactions contre des femmes et des hommes réclamant la liberté.
- Le fait de défendre la légitimité de l’islamophobie et de vous en prendre ainsi à une communauté dans son ensemble est immoral et inhumain.
Votre discours est semblable à celui des aristocrates qui sous l’Europe nazie ont fait l’éloge de l’antisémitisme, tant il était difficile de résister à l’élan populiste qui emportait alors, dans les remous calamiteux de sa bêtise, les esprits les plus fins…
Hani Ramadan
Directeur du Centre Islamique de Genève
La Matin dimanche, Débats
13 novembre 2011