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La liberté est du côté des Frères musulmans !

En Occident, on a souvent présenté les Frères musulmans comme étant un mouvement qui cherche à instaurer une théocratie et à imposer des normes moyenâgeuses.

La collaboration des Etats-Unis et de l'Union européenne avec des régimes illégitimes et dictatoriaux justifiait la mise à l'écart des tendances jugées islamistes et extrémistes. Que découvre-t-on à présent, avec ce qu'il est convenu d'appeler le "printemps arabe" ?

D'abord, l'incontestable popularité du message des "fondamentalistes" : oui au respect de la volonté populaire, aux acquis positifs et constructifs du monde moderne ; non à l'imitation aveugle du modèle occidental en mal de repères et de normes spirituelles et morales.

En Tunisie, le mouvement Ennahda de Rached Ghannouchi a remporté haut et fort les dernières élections. Au Maroc, Abdelilah Benkirane et son Parti de la justice et du développement se sont imposés sans difficulté. En Egypte, les Frères musulmans ont conquis la majorité de l'opinion publique. En Syrie et au Yémen, le même phénomène se produira après la mise à l'écart des despotes.

Il faut donc cesser de stigmatiser ce mouvement, pour comprendre que, dès ses origines, son exigence n'était pas de fonder une dictature religieuse. A ceux qui, par ailleurs, voient dans ces élections un danger pour les minorités chrétiennes, il peut être utile de souligner que le vice-président du parti des Frères musulmans, Liberté et justice, est un Copte.

Autre inquiétude : ces révolutions ne sont-elles que des opportunités, pour les mouvements islamiques, de se saisir du pouvoir, pour en bannir aussitôt l'alternance ? Ce sens de la "démocratie" est-il une nouveauté ?

Rappelons qu'Hassan Al-Banna, fondateur du mouvement des Frères musulmans, avait dénoncé le système électoral égyptien de son époque, qui avait donné lieu à tous les abus. Il remarquait que, depuis 1923, il n'y avait jamais eu une Assemblée vraiment représentative de la nation égyptienne ni de sa majorité. "Ce système n'a concerné qu'une minorité d'électeurs si faible qu'elle n'a jamais atteint, entre 1936 et 1943, 12 % du corps électoral."[1] Commentant les propos du premier guide des Frères musulmans, l'orientaliste Henri Loucel observait avec beaucoup d'objectivité, et sans nul doute avec une certaine surprise, cet aspect très "moderne" de la pensée politique d'Hassan Al-Banna : "Ici, dit-il, Hassan Al-Banna joint de très près notre conception démocratique des élections (...). Il fait preuve de bon sens et d'honnêteté : les candidats seront des hommes capables et libres de toute pression. Nécessité de programmes précis et détaillés, propagande électorale contrôlée et limitée. Punir truquages et vénalités, etc."[2]

Henri Loucel écrivait ces lignes il y a quarante-cinq ans. Aujourd'hui, ses analyses montrent que les Frères musulmans sont restés fidèles à leurs principes. Il est donc grand temps d'entamer un dialogue de civilisations qui refuse les clichés, les discours réducteurs fondés sur des préjugés et la diabolisation de l'islam en général.

Hani Ramadan,

Article paru dans Le Monde du 08.12.11,

24 Heures du 7.12.11, La Tribune de Genève du 15.12.11



[1], Hassan al-Bannâ, Ensemble des traités de l’Imâm Hassan al-Bannâ, en arabe, éd.  Al-Andalus, Beyrouth, 1981 p. 329

 

[2] [2] H. Loucel, in  L’organisation du pouvoir (Nizâm al-hukm), trad. H. Loucel, in Orient 39, Paris, 1966, p.165.

 

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