Le Temps (13 mars 2012) a cru bon d’offrir une tribune à Shlomo Ben Ami, ancien ministre des Affaires étrangères israélien, afin qu’il s’exprime sur la répression et la guerre en Syrie.
Avec une parfaite mauvaise foi, l’auteur parle de l’hostilité résolue du gouvernement syrien à l’encontre d’Israël, du danger qui menace les minorités – Chrétiens, Druzes et Kurdes – si ce régime venait à s’effondrer, et de la présence d’Al-Qaida, qui serait, je cite : « probablement à l’origine de certaines des récentes atrocités terroristes commises à Alep et à Homs » !
Je pense que je ne suis pas le seul lecteur à être scandalisé par les propos de Shlomo Ben Ami.
Premièrement, il est évident que face à la révolution syrienne, le gouvernement despotique de Bachar el-Assad sert de rempart à l’Etat d’Israël. Les dictatures arabes ont toutes, sans exception, collaboré avec l’Etat sioniste pour se protéger d’un ennemi commun : le mouvement islamique – notamment celui des Frères musulmans – qui n’a cessé de réclamer l’établissement de gouvernements respectueux de la volonté populaire. Car le printemps arabe, cela est évident, sonne comme une menace pour les militaires israéliens.
Deuxièmement, la communauté internationale agit dans le but de transformer cet élan révolutionnaire en une guerre civile. Il s’agit d’instaurer le chao en Syrie, comme cela s’est produit en Irak. Or, cette volonté machiavélique, confirmée par les faits, relève d’un plan fixé par l’Organisation Sioniste mondiale qui affirmait dans la revue Kivounim (Orientation, Jérusalem, n° 14, février 1982) : « L’éclatement de la Syrie et de l’Irak en régions déterminées sur la base de critères ethniques ou religieux, doit être, à long terme, un but prioritaire pour Israël, la première étape étant la destruction de la puissance militaire de ces États. »
Troisièmement, le fait d’attribuer à la nébuleuse d’Al-Qaida les atrocités commises par les soldats de Bachar à Homs et Alep est aberrant. A la question : « Damas rejette la faute sur les terroristes armés par l’étranger. En avez-vous vu ? », le Docteur Jacques Bérès, cofondateur de Médecin sans frontières, qui a observé l’horreur sur place en tentant d’aider les habitants de Homs, répond : « Il n’y a pas de terroristes armés par l’étranger. Cela fait partie de la propagande menteuse de ce régime. » (Tribune de Genève, le 14 mars 2012)
Propagande reprise par Shlomo Ben Ami, qui révèle que pour l’heure, Israël n’a aucun intérêt à ce que les révolutionnaires renversent le tyran de Damas trop vite.
Hani Ramadan
Le Temps, 16 mars 2012