La Syrie martyrisée
Depuis plus de quatre années, le drame syrien fait partie de notre actualité. Quelle nouvelle leçon pouvons-nous en retirer ?
Tout n’a-t-il pas été déjà dit ? La démission de la communauté internationale qui laisse un dictateur massacrer son peuple qui réclame une gouvernance légitime ; le veto sino-russe paralysant les « puissances militaires » qui auraient pu, en quelques mois, voire en quelques semaines, détruire l’armée de Bachar, ou au moins imposer un embargo aérien ; le prétexte d’une guerre prétendument civile, puis de la présence d’islamistes, pour repousser l’idée d’une ingérence en faveur du peuple syrien…
Oui. Il reste une leçon encore, qui dépasse les autres par son cynisme : à présent, la Russie s’invite ouvertement en se livrant à des frappes aériennes qui touchent d’abord les bastions de la résistance à Bachar, prenant encore et toujours le parti de la dictature pour assurer ses intérêts géostratégiques ; et se saisissant du prétexte du terrorisme islamiste pour ruiner les espoirs de tout un peuple qui réclame sa liberté.
Le gouvernement russe mène en Syrie une campagne qui est comparable à celle des Etats-Unis en Egypte : sur l’échiquier politique où se joue l’avenir d’une hégémonie implacable sur le Moyen-Orient, les tyrans arabes et la force militaire offrent des garanties autrement plus évidentes que des peuples qui se réapproprieraient leurs droits. Voyez comment Sergueï Lavrov et John Kerry se sont retrouvés à New York, pour dire de concert qu’il convient d’établir entre leurs deux pays des accords sur leur déploiement militaire en Syrie.
A présent seulement, et dans une perspective qui ne vise pas clairement l’élimination du régime qui est la cause de tant de massacres abominables ! Non ! C’est bien le peuple syrien qui sera encore la victime de ces machinations qui ne font que confirmer une triste réalité : ni les Russes, ni les Etats-Unis, ni même la France qui tient à se distinguer par des frappes qui ne visent que Daesh, n’ont jamais eu l’intention de faire en sorte que le peuple syrien, en majorité musulman, se libère de ses chaînes. Pas plus qu’en Egypte les urnes n’ont été respectées.
Ce n’est pas l’islamisme, ni le terrorisme, ni même Daesh qui sont visés – bien que l’élimination de cette organisation soit programmée –, mais plutôt les « printemps arabes » dont l’aboutissement représenterait une menace.
Défenseur de la démocratie?
Bien sûr, il se trouve à la tête des Etats arabes, comme de l’Iran, suffisamment de dirigeants incompétents pour se lancer dans des guerres fratricides ici et là, ou pour soutenir des dictatures, tombant dans le piège qui leur est tendu.
Pourtant, cette gestion désastreuse de la situation syrienne risque bien de se retourner contre nous. Nous y avons perdu, au fil des années, une partie de notre âme. Que des familles, par centaines, soient ensevelies par les bombes de Bachar larguées sur des maisons de civils, cela ne nous fait plus réagir. Et que Bachar reste malgré cela un interlocuteur potentiel, cela ne nous fait pas bondir d’indignation ! Difficile de chanter « les droits de l’homme » dans les enceintes de l’ONU, obscurcies par la détresse de tant d’enfants, de tant de femmes et d’hommes innocents, anéantis par des négociations sans fin…
Hani Ramadan