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D’une restriction à l’autre, et puis on s’habitue

Publié par la Tribune sous le titre :

La Suisse vaut mieux que ces restrictions-là

 

Les choses ont commencé stupidement. Une enseignante pratiquante a été contrainte de retirer son voile dans l’exercice de ses fonctions.

La Cour européenne des droits de l’homme avait soutenu la mesure prise par le gouvernement genevois en avançant la nécessité de « protéger les convictions religieuses des élèves et des parents, mais également d’assurer la paix religieuse qui sous certains aspects reste fragile. »

 

Or, pendant des années, cette enseignante compétente s’est couvert les cheveux dans son école sans que cela occasionne la moindre difficulté. Ce n’est que lorsque des journalistes en ont fait un sujet de polémique que les troubles ont commencé. 

Puis il y a eu l’interdiction des minarets, une forme de discrimination religieuse dont on se serait bien passé en Suisse. Puis il y a eu, en France toutefois,  au début du mois de mai 2016, le cas d’une élève exclue pour « port de jupe longue » ! Fannie, 16 ans, convertie à l’islam et écartée de son lycée pendant plusieurs jours pour une raison absurde ! Nous allons d’aberrations en aberrations !

Et encore, ce tollé suscité par le refus d’une poignée de main, qui montre bien que le moindre prétexte est bon pour alimenter le processus de l’islamophobie. Il en faut vraiment peu pour que notre école soit en danger. Il serait bien plus utile de chercher à  comprendre, avant de juger et condamner. Le Prophète Muhammad a dit : « Je ne serre pas la main des femmes », propos qui connaît deux interprétations : il parle spécifiquement de lui-même, et donc cela n’est pas interdit au reste de sa communauté (on peut se serrer la main). Autre interprétation : il reste notre modèle, et de ce fait, un homme et une femme s’abstiennent de se serrer la main. Ces jeunes gens ont choisi d’imiter leur Prophète.  Il s’agit donc d’une façon de pratiquer l’islam. Ni fanatisme, ni terrorisme. En islam, comme dans d’autres traditions, ne pas serrer la main d’une femme est un signe de respect. C’est aussi une marque d’intelligence et d’ouverture d’esprit de respecter les convictions religieuses de chacun.

Laissez-moi donc vous dire que notre Suisse vaut bien plus que toutes ces vaines polémiques.  D’ailleurs, toute mesure qui vise à empêcher le libre exercice de la pratique religieuse s’inscrit contre le principe même de la Déclaration des droits de l’homme, qui souligne « la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites. » (Art. 18)

Voilà ce qu’il conviendrait de rappeler à nos élèves, afin d’en faire des citoyens raisonnables, et non pas les proies d’une phobie émotionnelle !

Et s’il vous plaît, trêve d’hypocrisie : tous vos débats restrictifs sur les signes religieux visent strictement les adeptes de l’islam.

 

Hani Ramadan

Directeur du Centre islamique de Genève

Tribune de Genève, L’invité, 9 juin 2016

 

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