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  • Islamophobie, "miroir de l'auto-destruction occidentale"

    Voici une excellente vidéo dénonçant la montée inquiétante de l’islamophobie.

    Ecouter notamment les intéressantes réflexions de Marc Edouard Nabe sur la burqa mentale.

    http://www.dailymotion.com/video/xd9enp_islamophobie-miroir-de-l-auto-destr_news?start=1

    http://www.dailymotion.com/video/xc5kij_la-grande-mosquee-de-saint-etienne_news

  • Ombre sur la burqa et le minaret

    Le regard que beaucoup d’Occidentaux portent sur l’islam repose incontestablement sur de grossiers préjugés. J’aime cette image que donnait un journaliste égyptien pour illustrer le thème de l’islamophobie:

    «Imaginez un homme qui n’aurait jamais vu son ombre. Il se trouve sur une scène devant un immense écran blanc. A ses pieds, des projecteurs viennent soudainement l’éblouir. Il se retourne, et que voit-il? Son ombre agrandie une dizaine de fois. Sa frayeur est si grande qu’il s’agite. Et son ombre s’agite aussi, si bien que sa frayeur augmente, et ainsi de suite.»

    Pourquoi certains Suisses ont-ils rejeté les minarets? Parce qu’ils y ont vu le symbole d’une conquête politico-religieuse. Ce que, précisément, le minaret n’est pas.

    Pourquoi quatre-vingt-neuf députés argoviens ont-ils voté une motion visant l’interdiction du voile intégral dans l’espace public? Argument principal: «La burqa est un symbole du pouvoir de l’homme sur la femme.» Ce que, précisément, le voile intégral n’est pas.

    Les femmes qui portent volontairement le voile intégral – et parfois contre la volonté de leur entourage masculin – sont les premières victimes de ces confusions. La liberté, ce n’est pas de se conformer à la vision que les uns ont de la liberté aux dépens des autres. Ce doit être la liberté pour tous selon la conviction de chacun, dans les limites du bien commun. Contraindre une femme à se découvrir, contrairement à sa foi, est une infamie.

    Voile intégral ou minaret, on charge ces signes visibles d’une interprétation subjective courante, puis on s’en prend à ce que l’on a compris. En d’autres termes, on rejette ce que l’on projette sur l’autre. Cette projection peut même se transformer en provocation: on a vu les Jeunes UDC diffuser un samedi matin l’appel à la prière par haut-parleur autour de la mosquée genevoise dotée de l’un des quatre minarets de Suisse! Comble du ridicule dans le registre des gesticulations : les initiateurs en sont venus à provoquer eux-mêmes les troubles dont les musulmans seraient coupables !

    On tourne en rond, sans se rendre compte que l’on tombe dans des formes de ségrégations religieuses injustes. On finit par admettre des formes de ségrégations injustes. Il en va ainsi lorsque l’on fait une différence entre le clocher et le minaret, et Amnesty International a rappelé qu’interdire la burqa est discriminatoire.

    C’est d’ailleurs contraire à l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme: «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté (…) de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.»

    Or le port du voile est une prescription religieuse inscrite dans les sources de l’islam. Le Coran affirme: «Et dis aux croyantes (…) qu’elles rabattent leurs voiles sur leurs poitrines.» (Coran, 24; 31)

    Le terme khimâr désigne le tissu qui couvre la tête. Une interprétation minoritaire, certes, mais qui existe bien dans la tradition islamique, indique que le voile doit cacher également le visage.

    Nous penchons quant à nous vers l’exégèse la plus reconnue, corroborée par une parole du Prophète qui précise en effet le sens du verset: «A partir du moment où elle a ses règles, il ne convient pas que l’on voie de la femme autre chose que ceci.» Le Prophète désigna son visage et ses mains.

    Quoi qu’il en soit, ces deux interprétations font bien partie de la pratique islamique, enseignée dans l’ensemble du monde musulman.

     Hani Ramadan

    L’Invité

    24 heures, 12-13 mai 2010

     

  • La brèche de l’islamophobie n’a pas cessé de grandir

    Six mois après les votations contre les minarets, il peut être utile de nous livrer à une réflexion moins passionnée et plus sereine sur ce sujet.

    D’abord pour dire que la décision d’interdire les minarets en Suisse reste grave, aussi certainement que l’affirmaient déjà les représentants de la plupart des partis politiques, ainsi que les membres de notre gouvernement. Rappelons l’avis du Conseil fédéral et du Parlement : « L’initiative est en contradiction avec de nombreux droits fondamentaux inscrits dans la Constitution fédérale et porte atteinte aux droits de l’homme. » (Confédération suisse, votation du 29 novembre 2009)

    C’est ce que nous pouvions lire à la veille des votations, et le résultat ne change rien à cette appréciation. Où en sommes-nous aujourd’hui ? A-t-on vu les partis qui défendaient vaillamment les musulmans et s’offusquaient de cette forme de discrimination religieuse poursuivre leurs efforts et marquer avec détermination leur volonté de réparer une telle erreur ?

    Que non ! En climat démocratique, le nombre étant la loi, il faut se soumettre à la voix des urnes, même lorsque cette voix se fait l’écho des émotions, des peurs, et non pas l’écho de la raison et de l’équité. 

    Mais il y a pire. Au lieu de mener ce combat tambour battant, la brèche de l’islamophobie a grandi, et ses attraits sont tels que beaucoup se sont laissé séduire. Ce vote, qui a étonné tout le monde, a mis en évidence combien il est juteux pour un parti politique de se servir de la peur de l’islam pour rallier des voix inexistantes en dehors du registre des idées reçues.

    Aussi vrai donc que le péril représenté par les minarets missiles est une pure affabulation, il convient de mettre en perspective d’autres cibles et d’autres dangers à venir. Les femmes en burqa ne menacent-elles pas la République voisine et la Belgique ? Des observateurs attentifs mettent cependant en évidence le fait que le voile intégral islamique sert aujourd’hui à cacher les vrais problèmes que sont la crise financière et le chômage (lire à ce propos Le voile islamique et l’impuissance politique, de Jean-Noël Cuénod, Tribune de Genève, 29 avril 2010).

    La stratégie adoptée par le Président Sarkozy, consistant à reprendre à son compte les thèmes chers à l’extrême droite pour se faire élire ou pour faire diversion, est prise comme modèle. Le vote argovien contre la burqa auquel se sont ralliés les partis de droite le confirme. Les dernières déclarations d'Eveline Widmer-Schlumpf, prétextant l’argument sécuritaire, cachent une même tendance au populisme.

    Certains n’hésitent pas à verser dans la discrimination la plus pure pour séduire leur futur électorat. Ainsi, on apprend que les libéraux-radicaux s’engagent contre l’extrémisme islamique. Pour ce faire, les prédicateurs de toutes les communautés religieuses seront invités à s’exprimer dans l’une des langues nationales. Toutefois, précise Christian Lüscher, il ne sera pas exigé une traduction simultanée de la messe en latin, car bien entendu, c’est l’extrémisme musulman qui est visé !

    Magnifique attention qui nous rappelle qu’un imam n’est pas un prêtre, tout comme un minaret n’est pas un clocher !

    Il est donc grand temps que les partis se ressaisissent et refusent de remettre en cause les droits humains les plus fondamentaux.

    La ségrégation religieuse n’a pas sa place  dans le monde civilisé. Toute dérive doit être dénoncée. Toute volonté de stigmatiser les musulmans doit être condamnée.

     

    Hani Ramadan

    Tribune de Genève

    L’invité

    11 mai 2010