Ne voyage pas d’un être à l’autre : tu serais alors comparable à l’âne de la meule. Il va, et le lieu où il se rend est celui-là même d’où il est venu. Mais voyage des êtres vers Celui qui donne l’être. « Et tout aboutit, en vérité, à ton Seigneur. » (Coran, 53, 42). Et considère donc la parole du Prophète : « Celui qui émigre pour Dieu et Son Messager, son émigration lui sera comptée comme étant accomplie pour Dieu et Son Messager. Tandis que celui dont l’émigration a pour but d’acquérir des biens de ce bas monde ou d’épouser une femme, son émigration ne sera comptée que pour ce vers quoi il a émigré. » Comprends donc sa parole, et médite sur ce point, si tu es doué de compréhension ! Et salut (wa s-salâm) ! (Sagesse No 42)
Commentaire : L’homme dont la motivation essentielle est l’amour de la vie passe constamment d’un objet à l'autre, ou d’un être à l'autre. Ses désirs changent avec le temps, mais toujours il reste prisonnier de l’univers dans lequel il évolue. Ibn ‘Atâ’i -Llâh le compare ici à l’âne qui tourne en rond, actionnant la meule servant à moudre le grain, et qui n’avance pas. Le pas décisif, en effet, consiste à détourner son cœur de ce monde matériel pour l’orienter exclusivement vers Dieu, sachant qu’en tous les cas, nous serons tous ramenés à Lui.
Le célèbre hadith cité par Ibn ‘Atâ’i -Llâh indique que « les actes ne valent que par les intentions », et le noble Prophète Muhammad illustre son propos par l’exemple de la Hijra, l’émigration à Médine. Le voyage vers Dieu ne doit avoir d’autre but que Dieu, en suivant le modèle et la voie du Prophète. Toute autre motivation ne peut que détourner l’homme de cette adoration essentielle : comme cet individu qui avait émigré par amour pour une femme qu’il comptait épouser en se rendant à Médine.
Pour ceux qui se sont détachés de l’amour excessif des choses terrestres, cette sincérité comprend aussi différents niveaux : celui qui agit en vue de la récompense promise et pour accéder aux plus hauts degrés du Paradis, vise encore ce qui n’est pas Dieu.
Un homme dit au sage Abû Yazîd : « Fais-moi une recommandation ! » Il lui déclara alors : « Si Dieu te donnait tout ce qui est compris entre le Trône céleste et le berceau terrestre, dis-Lui : « Non. C’est Toi que je veux. » »
Cette sagesse se termine par un « salut », une invocation de paix qui nous invite ici, comme l’indique Ibn ‘Ajîba, à entreprendre enfin ce grand voyage du cœur, de la création au Créateur suprême.