Az-zuhd est un terme arabe qui signifie le désintéressement, le détachement. Il consiste à détacher son désir d’une chose pour aller vers ce qui est meilleur.
Ce terme a un sens courant : le fait de se détourner du monde.
Et un sens absolu : le fait de se détourner de tout ce qui n’est pas Dieu, pour aller à Dieu
Le zâhid est celui qui pratique le détachement. On le traduit parfois par l’ascète. Mais l’ascèse comprend souvent une forme de mépris et de mortification du corps qu’on ne trouve pas dans l’Islam.
Le zâhid est celui qui se détache d’une chose désirée, comme l’argent. Celui qui se détache d’une chose qui n’est pas désirée, comme les pierres et les cailloux, ne peut être appelé zâhid.
Le détachement signifie également que l’on renonce à certaines choses qui sont permises et licites, et qui constituent la part qui revient à l’ego. Celui qui se détache de ce qui est illicite n’est pas en ce sens un zâhid.
Il faut aussi qu’il ait la possibilité de faire ou d’obtenir ces choses. Celui qui n’a pas la possibilité d’être en possession d’or et de richesses, par exemple, ne peut prétendre s’en détacher. C’est pourquoi, lorsque l’on interpella Ibn Al-Mubârak un jour en lui disant : « Ô toi qui t’es détaché des biens de ce monde ! » Il répondit : « Celui qui s’est détaché de façon authentique, c’est ‘Umar Ibn ‘Abd Al-‘Azîz : le monde s’est présenté à lui à genoux, et il s’en est détourné. Quant à moi, de quoi me suis-je détaché ? » Il voulait dire qu’étant pauvre, il n’avait pas eu l’occasion de se détacher des richesses, alors que ‘Umar Ibn ‘Abd Al-‘Azîz, le Calife bien guidé, vivait dans le dénuement alors qu’il tenait dans sa main un royaume, et qu’il disposait de toutes ses richesses.
Le détachement, ne consiste pas non plus à donner de ses biens par générosité ou afin de se concilier les cœurs. Attitude qui relève, selon la coutume, du bon comportement, mais qui n’a rien à voir avec l’essence même du culte authentique.
Le détachement réel, c’est de laisser le monde en considérant qu’il est peu de chose, de surcroît en comparaison de l’au-delà.
C’est de se défaire des parures du monde, par avidité pour les parures de l’au-delà. C’est d’abandonner les nourritures délicieuses, par crainte qu’il ne soit dit, comme cela est énoncé dans le Coran : « Vous avez dissipé vos biens et vous en avez pleinement joui durant votre vie sur terre. » (Coran, 46, 20) Ce qui sous-entend : étant donné votre train de vie, la récompense de vos bonnes actions vous a largement été octroyée dans ce monde, et vous n’aurez plus rien dans l’au-delà.
Beaucoup de versets du Coran expriment par ailleurs les vertus de cette qualité essentielle. Dieu dit : « Et ne tends pas tes yeux vers ce dont Nous avons donné jouissance temporaire à certains groupes d’entre eux, comme parure de la vie présente, afin de les éprouver par cela. Ce que ton Seigneur fournit (au Paradis) est meilleur et plus durable. » (Coran, 20, 131)
Et Il dit : « Quiconque désire labourer (le champ) de la vie future, Nous augmenterons pour lui son labour. Quiconque désire labourer (le champ) de la vie présente, Nous lui accorderons de (ses jouissances) ; mais il n’aura pas de part dans l’au-delà. » (Coran, 42, 20)
Et Il dit encore : « Nous avons placé ce qu’il y a sur terre pour l’embellir, afin d’éprouver les hommes (et que se distinguent ainsi) qui d’entre eux sont les meilleurs dans leurs actions. » (Coran, 18,7)
C’est-à-dire, selon certains commentateurs : ceux qui sont les plus détachés de l’existence terrestre. Le détachement est décrit ainsi comme faisant partie des meilleures actions.
Et Dieu dit encore : « Dis : La jouissance ici-bas est éphémère, mais la vie future est meilleure pour quiconque craint Dieu. » (Coran, 4, 77)
Le détachement comprend plusieurs degrés :
Le premier degré, qui est le moins considérable, est celui de l’adorateur qui se détache du monde alors qu’il le désire, et alors que son cœur et son ego tendent vers lui. Cependant, il lutte contre lui-même afin de ne pas suivre ses penchants et l’attrait des choses de la vie.
Le deuxième degré est celui de l’adorateur qui se détache du monde de plein gré, parce qu’il le considère de peu de valeur. Cependant, étant détaché, il considère son détachement, s’en réjouit et est satisfait de lui-même, ce qui est un défaut.
Le troisième degré, le plus élevé, est celui de l’adorateur qui se détache de son plein gré, et qui se détache même de son détachement, en ne lui prêtant aucune attention. Il considère qu’il n’a rien laissé, parce qu’il sait que le monde n’est rien. C’est le degré le plus complet du détachement, dont la cause est une connaissance intime de la réalité de l’existence.
On énumère par ailleurs trois sortes de détachements, selon ce qui est recherché :
Ceux qui se détachent du monde par crainte du châtiment. C’est le détachement de ceux qui ont peur : zuhd al-khâ’ifîn.
Ceux qui se détachent du monde par avidité pour les biens de l’au-delà. C’est le détachement de ceux qui espèrent : zuhd ar-râjîn.
Ceux qui se détachent du monde parce qu’ils ne tendent que vers Dieu, et parce qu’ils espèrent Sa rencontre. Leurs cœurs ne sont pas préoccupés par la crainte du châtiment ou le désir des délices du Paradis, mais ils n’ont de pensées que pour Dieu. Ce sont eux qui sont les vrais monothéistes. C’est le détachement de ceux qui aiment et connaissent Dieu de façon intime.
Sahl Ibn Sa‘d a dit : « Un homme vint trouver le Prophète (000) et lui dit : « Ô Messager de Dieu, indique-moi une action dont l’accomplissement me vaudra l’amour de Dieu et l’amour des hommes. » Il lui répondit : « Détache-toi de ce monde, Dieu t’aimera ; et détache-toi de ce que possèdent les hommes, les hommes t’aimeront. » (Ibn Mâja)
Donc, celui qui veut obtenir l’amour de Dieu doit détacher son cœur du monde. Dieu aime voir son adorateur se détacher de ce monde pour aller vers Lui. Autant il s’en détache, autant il se rapproche de Dieu. Et plus il aime ce monde, plus il s’éloigne de Dieu.
Cela ne signifie pas que l’Islam ne nous encourage pas à nous investir dans la vie matérielle et à prendre la part de la vie terrestre qui nous revient. Le Coran affirme : « Et recherche à travers ce que Dieu t’a donné la Demeure dernière. Et n’oublie pas ta part en cette vie. Et sois bienfaisant comme Dieu a été bienfaisant envers toi.» (Coran, 28, 77)
L’essentiel est que le bien dont tu te saisis reste dans ta main, et qu’il n’entre pas dans ton cœur pour y prendre toute la place.
Nous demandons à Dieu de nous faire comprendre la réalité de la vie terrestre et de guider nos cœurs. Allâhumma âmîn !