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Réflexions d’un matin

C’est toujours la fin des temps.

Pour chacun d’entre nous.

La vie est si courte.

Quelques heures, quelques jours, quelques mois ou quelques années.

Quelle différence ?

Lorsque l’on évoque la fin du monde, beaucoup sourient. On peut le comprendre, surtout lorsque l’on a affaire aux illuminés qui prétendent en connaître la date précise.

Pourtant, elle est imminente, telle que l’a décrite le Coran. Ce sera lorsque les valeurs seront inversées, et lorsque l’ordre naturel sera bouleversé :

 

1) Lorsque le soleil sera enroulé,

2) Et lorsque les étoiles deviendront ternes,

3) Et lorsque les montagnes seront mises en marche,

4) Et lorsque les chamelles près de mettre bas seront négligées,

5) Et lorsque les bêtes sauvages seront rassemblées,

6) Et lorsque les mers seront portées à l’ébullition,

7) Et lorsque les âmes seront regroupées,

8) Et lorsque l’on demandera à la fillette enterrée vivante :

9) Pour quel péché a-t-elle été tuée ?

10) Et lorsque les feuilles seront déployées,

11) Et lorsque le ciel sera écorché,

12) Et lorsque la Fournaise sera attisée,

13) Et lorsque le Paradis sera rapproché,

14) Alors toute âme saura ce qu’elle présentera. (Coran, 81, 1-14)

 

Bien entendu, cette interprétation donnée en français ne peut rendre la beauté et l’éloquence du texte arabe, mais elle permet de déceler au moins, derrière ces énoncés qui au premier abord semblent n’avoir aucun lien pour un esprit cartésien, une unité thématique remarquable : la fin de notre univers sera précédée de bouleversements qui renverseront paradoxalement l’ordre des choses : au lieu d’étendre son rayonnement, le soleil sera ramassé sur lui-même en un point de condensation extrême ; les étoiles, au lieu de briller de tous leurs feux, s’éteindront ; les montagnes, symbole de fermeté, seront déplacées et réduites en poussière ; les biens les plus précieux n’auront aucune espèce de valeur (la chamelle près de mettre bas constituait l’avoir le plus considérable pour les Arabes. Devant la catastrophe, ils n’y penseront plus) ; les animaux sauvages, qui par nature se repoussaient de façon féroce, se rassembleront ; les mers seront enflammées ; ce que l’homme pensait garder secret, apparaîtra. Rien alors n’échappera à la justice divine.

Interrogé pareillement sur l’Heure dernière, le Prophète Muhammad, après avoir indiqué qu’il n’en connaissait pas le terme, donna ses signes avant-coureurs : ce sera quand « la servante mettra au monde sa maîtresse, et quand tu verras les va-nu-pieds, les miséreux et les bergers se faire concurrence à qui élèvera encore plus haut sa construction. » (Rapporté par Muslim)

Toujours le phénomène de l’inversion de l’ordre naturel du monde. Qui pouvait supposer, en effet, qu’un pauvre meneur de moutons dans le désert s’enrichirait à ce point ?

Le bien deviendra le mal aux yeux de beaucoup, et le mal deviendra le bien.

Nous y sommes.

Certains criminels sont des chefs d’Etats parfaitement respectables, alors que les combattants légitimes sont des terroristes. Les colons et colonisateurs portent l’étendard de la civilisation supérieure, alors que les résistants, chez eux, sont considérés comme des intégristes. Celui qui respecte le code moral de sa foi est un fanatique obscurantiste, et l’homme dévoyé, sans foi ni loi divine, est un individu libre et éclairé. La femme pudique est bornée et soumise, alors que le symbole le plus médiatique de son émancipation réside dans l’étalage de ses charmes…

Le monde à l’envers.

Nous y sommes.

Notre corps comprend biologiquement la programmation de son vieillissement.

Nous sommes définitivement condamnés à mort. Sauf que le Jugement viendra ensuite.

Quelques heures, quelques jours, quelques mois ou quelques années.

 

Quelle différence ?

 

Hani Ramadan

 

 

 

 

 

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