Rien n’a été efficacement fait pour soutenir le peuple syrien, alors qu’il est massacré depuis plus de deux ans. L’Occident se targue d’être à la pointe de la civilisation, alors même que, sous nos yeux, les droits de l’homme sont bafoués dans l’enceinte onusienne qui était censée les protéger. Un système infâme, fondé sur un droit de veto tout aussi infâme, nous invite à une paralysie si douce que nous voilà bien incapables de réagir.
Nos démocraties, alors même que le sang des musulmans coule impunément, élargissent curieusement leur conception des négociations nécessaires pour aboutir à des consensus improbables sur ce qu’il faudrait envisager d’accomplir, pour autant qu’il soit possible de l’accomplir, quand tout le monde se sera enfin mis d’accord, un demi-million de morts plus tard…
Les gouvernements français et britannique avaient fait une déclaration en faveur de l’armement de «l’opposition armée». Mais la France s’est ravisée, et ni l’Union européenne ni le G8 n’ont jugé bon de donner suite à cet appel.
Non, vraiment. Derrière le drame de la Syrie – plus de 70 000 morts, les villes bombardées, les citoyens exterminés, amputés, déchiquetés par les agressions continues et répétées de l’aviation du dictateur de Damas –, il est possible de mesurer toute la lâcheté qui caractérise nos politiques étrangères.
Tout cela n’est certes pas nouveau. Rappelez-vous: la communauté internationale avait été également longtemps réduite à l’inaction devant la tragédie bosniaque (environ 100 000 morts). Les démocraties avaient alors aussi été perverties: sous prétexte de respecter le plus grand nombre d’acteurs politiques, les atermoiements se sont traduits, durant des années, par des atrocités.
Comble de l’hypocrisie pour laisser des innocents mourir, pour ignorer la famine et les épidémies qui se propagent, pour bouleverser de fond en comble une nation tout entière (quatre millions de déplacés en Syrie et plus d’un million de réfugiés dans les pays voisins)? Mettre en avant le danger «djihadiste», en prétextant qu’une aide armée détournée ne ferait qu’envenimer les choses. Argument fallacieux qui cache une volonté de nuire à la révolution, susceptible de porter au pouvoir un représentant digne des Syriens musulmans et chrétiens.
C’est ainsi que nous sommes devenus insensibles: nous n’avons plus d’ouïe pour entendre ni d’yeux pour voir. Voir la souffrance des Syriens qui meurent de faim: deux millions d’enfants blessés, orphelins ou souffrant de malnutrition. Entendre le cri des mères qui se plaignent à Dieu de l’abandon des grandes puissances, qui disposent de moyens pour mettre un terme à la tyrannie de Bachar, et qui ne font rien.
«Amis de la Syrie», gardez pour vous et entre vous, dans vos palais feutrés qui sentent l’imposture, votre amitié defaçade et vos beaux discours.
24 Heures,
L’invité, 17 avril 2013 et
Tribune de Genève,
L'invité, 13-14 avril 2013
Hani Ramadan