Réflexions face à la censure
Un authentique républicain, quand il pense, est cet homme qui développe un esprit critique lui épargnant de verser dans les préjugés et lui permettant de résister à la doxa ambiante. Il ne crie pas au loup pour stigmatiser une communauté, serait-elle musulmane.
Un authentique républicain, lorsqu’il dialogue, est à l’écoute de l’autre et ne lui prête pas une opinion qui ne traduit que ce qu’il a compris à tort, ou pire encore, ce qu’il veut bien entendre. Pas de dialogue de cultures sans une certaine modestie intellectuelle. L’ennemi de la république, ce n’est pas le musulman convaincu, mais celui qui est habité par une arrogance sans limite, et une incapacité à reconnaître l’autre dans sa richesse et sa diversité culturelles.
Un authentique républicain, lorsqu’il porte un jugement, pense par lui-même et ne répète pas stupidement les échos des rumeurs malsaines. Il refuse toute condamnation avant tout jugement, et fait passer la raison avant l’émotion.
Un authentique républicain, face à la foi des autres et à leurs pratiques, montre le plus grand respect : que nul ne s’en prenne à la kippa, à la croix ou au voile. La liberté de conscience est sacrée. Tout comme est sacrée la liberté de pratiquer sa religion. L’islamophobie diffuse est un délit qui relève d’une discrimination abjecte.
Un authentique républicain, lorsqu’il gouverne ou a une quelconque responsabilité politique, conserve des principes de liberté et de vérité, bien au-delà des enjeux électoraux de sa propre carrière. Il ne dresse aucun épouvantail, et ne fait jamais ainsi, de la peur, l’instrument de sa mise en valeur dérisoire. Il n’épouse jamais les vues étroites des agitateurs publics. Ils refusent catégoriquement la haine qui discrimine, la bêtise qui cherche à imposer sa tyrannie. Il ne soutient en aucun cas les censures imbéciles. Dans le domaine, c’est certes une espèce de plus en plus rare…
Dans une république, on dialogue pour se connaître et assurer le vivre-ensemble. Tout peut être ouvertement dit. On n’impose pas le silence, on ne vit pas dans la perspective ignoble de voir des êtres humains disparaître en les dépossédant de leur identité. Hélas, nos démocraties ne sont pas parvenues à éradiquer les relents du fascisme et de l’ultranationalisme.
Un authentique républicain, quand il est journaliste, refuse de tronquer la parole donnée, défend la liberté d’expression, et pas seulement pour Charlie…Il fait passer le débat avant le scoop médiatique qui permet de vendre sa littérature bon marché. Et là, effectivement, nous parlons d’une espèce en voie de disparition.
Hani Ramadan