Europe 1 a diffusé ce 30 août 2022 une information selon laquelle Jean-Luc Mélanchon aurait largement bénéficié du soutien des « islamistes » lors des élections présidentielles de 2022. Je l’apprends parce que mon nom est cité parmi les « influenceurs ». Je ne savais pas que j’avais autant de pouvoir en France. Va falloir nous en servir pour sortir Darmanin de la scène politique le plus tôt possible…
Il s’agit d’être clair :
Il existe un grand nombre de points sur lesquels la position de Mélanchon est discutable, voir détestable :
- Quand par exemple il s’exprime sur « l’islam politique » qu’il dit rejeter. Cela démontre une approche superficielle de la question. Mais quel homme pourrait rester éligible et crédible en France en prenant le parti des élus en Egypte, par exemple ? Je parle des Frères musulmans qui ont suivi la voie des urnes, et qui sont en prison aujourd’hui par la voie des armes. Ce qui convient parfaitement au régime de Macron, ce grand républicain.
- Plus grave, lorsqu’il commente la position de la Chine vis-à-vis des Ouïghours, refusant de parler de génocide. Selon lui « l’attitude de la Chine envers les Ouïghours est le fruit d’un problème plus global, celui de la manière dont est approchée la lutte contre le terrorisme islamiste. » Il reprend hélas maladroitement les termes de la propagande chinoise, alors qu’il est question d’un génocide reconnu : le jeudi 20 janvier 2022, les députés français ont adopté à la quasi-unanimité une résolution reconnaissant le “génocide des Ouïghours”par la Chine. Notons que Jean-Luc Mélanchon a nuancé dans un tweet ses propos :
La Chine reconnaît qu'elle a mis des Ouïghours dans des camps de travail. On peut pas être d'accord avec ça, je le condamne. Mais pas d'hypocrisie : si on parle de «génocide», il faut intervenir pour l'arrêter. Or, ceux qui ont voté cela n'en feront rien.
C’est vrai, mais on attendait mieux de quelqu’un qui se présente systématiquement comme le défenseur des droits humains. J’ajoute que c’est sans doute cette malheureuse position qui lui a valu de perdre les voix nécessaires pour passer devant Marine Le Pen.
Cependant, Jean-Luc Mélanchon a des positions louables et courageuses qu’il faut relever :
- Quand il défend une laïcité républicaine qui n’a pas à être intrusive en stigmatisant la communauté musulmane, victime d’islamophobie aggravée.
- Quand il critique haut et fort les exactions sionistes commises à l’encontre des Palestiniens, et contraires aux valeurs républicaines.
C’est sans doute ce qui lui vaut aujourd’hui l’accusation malveillante d’avoir été bénéficiaire des « voix islamistes ». Et ceux qui, parmi la droite dorée de Macron, lui ont reproché d’agir de la sorte pour recueillir le suffrage de la communauté musulmane, n’ont certainement pas fait mieux en reprenant les thèses de l’extrême-droite pour gagner la bataille électorale ! Entre les deux, les musulmans sont invités à danser au bal de l’hypocrisie. Voilà pour le système.
En réalité, si beaucoup de musulmans ont voté Mélanchon, c’est parce qu’il était, de tous les candidats, celui qui défendait les valeurs républicaines sans se croire obliger de fustiger publiquement la croyance de ses concitoyens, et promettait de résister aux lobbies argentés qui dictent aux médias une forme de pensée unique conduisant à la haine diffuse de l’islam, dont il faut cacher la présence à tout prix.
Des médias sous influence qui minimisent périodiquement, et de façon infâme, les crimes perpétrés à l’encontre des enfants de Palestine.
Voilà le nœud de la question…
Hani Ramadan
Annexes :
5h-7h : Europe Matin avec Christian Cardin et Sylvain Le Falher (europe1.fr)
6h.30 le 30.8.2022
Ecouter à 1h24 minutes
INFO EUROPE 1 – Comment les islamistes ont orienté le «vote musulman» vers Jean-Luc Mélenchon
INFO EUROPE 1 – Comment les islamistes ont orienté le «vote musulman» vers Jean-Luc Mélenchon
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William Molinié, édité par Gauthier Delomez 06h28, le 30 août 2022, modifié à 06h52, le 30 août 2022
Dans une note confidentielle du renseignement territorial qu’Europe 1 s’est procurée, les policiers estiment que Jean-Luc Mélenchon a pu bénéficier d’un "vote musulman" lors de l'élection présidentielle parce que ses prises de position ont été saluées et relayées par de nombreux influenceurs et activistes islamistes au cours de la campagne.
C'est un document diffusé à une poignée de hauts fonctionnaires, de membres du gouvernement et jusqu’à l’Élysée, écrit le 17 mai 2022, trois semaines après le second tour de l’élection présidentielle. Emmanuel Macron est alors réélu, les élections législatives sont déjà en ligne de mire et Jean-Luc Mélenchon se rêve en Premier ministre.
Le service central du renseignement territorial (SCRT) pose, dans une note confidentielle de 12 pages qu’Europe 1 s’est procurée, ses observations sur "les influences islamistes dans le cadre du processus démocratique". L'objectif est de comprendre pourquoi 69% des électeurs musulmans ont glissé un bulletin de vote quelques semaines plus tôt en faveur de Jean-Luc Mélenchon, tel qu’une étude de l’Ifop le révélait dans La Croix.
Un "vote musulman" largement dicté par les islamistes
Si le "vote musulman" n’est pas nouveau – "en 2007 et en 2012, les électeurs musulmans avaient massivement voté pour les candidats PS" –, rappellent les policiers du renseignement territorial, il a été en 2022 largement dicté par les islamistes qui ont "clairement tenté de peser dans la campagne". "Les prises de position de Jean-Luc Mélenchon sur la loi séparatisme lui ont attiré les faveurs de nombreux influenceurs communautaristes", écrivent-ils.
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Ce rapprochement trouve racine dans le "contexte pré-électoral" et le "débat quasi-permanent" sur la religion musulmane pendant 18 mois qui a favorisé "l’expression d’idées hostiles à l’islam et aux musulmans", selon cette note. Ce qui aurait "suscité la lassitude mais aussi la colère de fidèles s’estimant stigmatisés", sentiment partagé aussi bien par les musulmans rigoristes que ceux, plus modérés.
Il est précisé que la "candidature d’Eric Zemmour […] a suscité une vive inquiétude parmi les fidèles" et que les agitateurs communautaristes ont ainsi trouvé "un allié aussi providentiel qu’involontaire en [sa] personne, candidat ouvertement hostile à l’islam."
L'islamophobie supposée de l'État comme enjeu crucial du scrutin
Dès lors, les islamistes ont ravivé ce sentiment de victimisation pour se positionner comme défenseurs de la communauté musulmane, gagner du crédit auprès des fidèles et leur faire croire que l’État était ouvertement islamophobe. Une thèse défendue par exemple par l’ancien avocat Rafik Chekkat, membre de l’association Agir contre l’islamophobie ou encore l’activiste décoloniale Siham Assbague, qui dans un tweet publié la veille du scrutin appelait les "jeûneurs" du ramadan à prier "contre Macron dont le quinquennat a été marqué par l’amplification des violences d’État contre les musulmans.[…] Et contre Le Pen bien sûr".
Illustration, s’il en fallait une, que les tenants de l’islam politique ont cherché à faire de l’islamophobie supposée de l’État un enjeu central du scrutin aux yeux des musulmans.
Mélenchon, le "moins mauvais" des candidats
Pour les islamistes, Jean-Luc Mélenchon était "le moins mauvais candidat". En atteste le communiqué anonyme, non signé, diffusé sur les réseaux sociaux la veille du premier tour de l’élection présidentielle, relayé par les prédicateurs fréristes Vincent Souleymane et Hani Ramadan, un des frères de Tarik Ramadan, tous deux petits-fils d’Hassan el-Banna, fondateur des Frères musulmans. Le même jour, un autre imam frériste, Farid Slim, directeur pédagogique d’une association dans le viseur des services de renseignement, annonçait son intention sur sa page Facebook de voter pour le candidat de la France insoumise.
Quelques jours auparavant, le Collectif contre l’islamophobie (CCIE), depuis dissout en France puis reconstitué en Belgique, avait publié une grille d’évaluation des candidats : Jean-Luc Mélenchon apparaissait comme le seul candidat "fidèle" à la laïcité, contre la fermeture des lieux de culte, contre la "loi séparatisme" et indifférent aux tenues vestimentaires.
Dans la même veine, la journaliste considérée par le renseignement comme "pro-Erdogan", Feïza Ben Mohamed, a "publié une série de tweets justifiant son choix de voter pour Jean-Luc-Mélenchon, qu’elle considère comme le seul candidat crédible n’ayant pas pour ambition de se servir des musulmans pour faire oublier les problèmes de notre pays", poursuivent les auteurs de cette note.
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Méfiance persistante entre Mélenchon et les "frères musulmans"
L’attitude très virulente et décomplexée de ces influenceurs islamistes a contrasté avec celle, "plus prudente", relève le renseignement, des représentants officiels de l’islam de France puisque "dans leur majorité", les responsables cultuels "se sont gardés de donner des consignes de vote nominatives à l’occasion du premier tour". Pour le second tour, les figures de l’islam modéré (Musulmans de France, Grande mosquée de Paris, etc…) ont appelé à faire barrage à l’extrême-droite, suscitant alors les quolibets des influenceurs communautaristes.
Ces derniers se sont ensuite divisés pour les législatives. Certains demandant aux musulmans de continuer à se mobiliser dans l’espoir d’une victoire de la Nupes, comme le suggère le partage, le 20 avril, d’Hani Ramadan du tweet du député insoumis Adrien Quatennens appelant à considérer les élections législatives comme le "troisième tour" de la présidentielle.
D’autres, au contraire, ont pris leurs distances avec le parti de Jean-Luc Mélenchon, comme Rachid Chekkat, rappelant que le candidat insoumis s’était posé en adversaire de l’islam politique.
Signe que la mouvance islamiste affiche une "méfiance persistante" avec la "classe politique institutionnelle", "les influenceurs fréristes n’iront pas vers une alliance durable avec LFI, qui restera toujours trop républicaine à leurs yeux", entrevoit, en conclusion, cette note du renseignement.
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Information Europe 1 reprise par :
Comment Jean-Luc Mélenchon a pu bénéficier d’un "vote musulman" - JForum
Et dans la presse italienne