Adorer le Seigneur
« Ô hommes ! Adorez votre Seigneur, qui vous a créés, vous et ceux qui vous ont précédés. Peut-être pratiqueriez-vous la piété ! Lui qui a fait pour vous de la terre un lit et du ciel un édifice, et qui a fait descendre du ciel une eau par laquelle Il a fait sortir des fruits en tant que subsistance pour vous. Ne donnez donc pas à Dieu des égaux alors que vous savez. » (Coran, 2, 21-22)
Quelques enseignements :
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L’adoration de Dieu est une obligation. L’expression « adorez votre Seigneur » (u‘budû rabbakum) comprend un verbe à l’impératif qui implique un devoir qui s’impose à tous.
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On connaît Dieu par Ses attributs. Ici, le fait qu’Il soit l’unique Créateur met en évidence que Seul Il mérite notre adoration.
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Une nature saine sur le plan spirituel entraîne une adhésion cohérente à la foi monothéiste.
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Al-Qurtubî fait une double observation intéressante autour de ce passage, qui démontre selon lui que Dieu a donné à chacun sa suffisance lui permettant de ne pas dépendre d’une autre créature. Le Messager de Dieu – que Dieu le couvre de Sa miséricorde – nous a renvoyé à ce sens quand il a dit : « (Je jure) par Dieu qu’il vaut mieux pour l’un d’entre vous de prendre sa corde et de ramasser du bois en le portant sur son dos (afin de le vendre et d’en vivre), que de mendier auprès de quelqu’un, que ce dernier lui donne ou refuse de lui donner. » (Muslim) Al-Qurtubî affirme également : « Les savants soufis ont affirmé : « Dieu a fait connaître dans ce verset le chemin de la pauvreté : il consiste à faire de la terre ta couche, et du ciel ta couverture, et de l’eau ton parfum, et du fourrage ta nourriture ; et de n’adorer personne (en dépendant de lui) sur terre, parmi les créatures, dans le but d’obtenir quelque chose de ce bas monde ! » » Nawf al-Bikâlî a dit : « J’ai vu ‘Alî Ibn Abî Tâlib sortir, regarder les étoiles et dire : « Ô Nawf, dors-tu ou as-tu les yeux ouverts ? » Je répondis : « Je suis éveillé, ô Commandeur des croyants ! » Il dit alors : « Heureux ceux qui se sont détachés du monde, et qui sont habités par le désir de l’au-delà. Ces gens ont fait de la terre un tapis, et de sa poussière un lit, et de l’eau un parfum, et de la récitation du Coran et des invocations leurs vêtements. Ils ont refusé ce bas monde en se conformant à la voie du Messie1, – que Dieu lui accorde la paix ! – » (Qurt.)
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L’Islam interdit toutes les formes de polythéisme et d’associationnisme2. Ibn Kathîr rapporte dans son commentaire, d’après Ibn ‘Abbâs, qui a dit : « Un homme dit au Prophète : « Ce que Dieu a voulu et ce que tu as voulu (s’accomplit) ! » Le Prophète lui dit : « As-tu fait de moi l’égal de Dieu (li -Llâhi niddan) ? Dis : « Ce que Dieu Seul a voulu (s’accomplit) ! » (Ibn Mardawayh, an-Nasâ’î, Ibn Mâjah). En commentant ce passage : « Ne donnez donc pas à Dieu des égaux alors que vous savez », Ibn ‘Abbâs expliquait : « Il est question de l’associationnisme. Il est plus caché que la marche de la fourmi sur un rocher lisse et noir dans l’obscurité de la nuit. Il consiste par exemple à dire : « (Je jure) par Dieu et par ta vie, ô Untel ! Et par ma vie ! » Ou par dire : « Sans la chienne de celui-là, les brigands seraient venus nous voler hier. Sans l’oie dans la maison, les voleurs seraient venus. » Ou par la parole que l’homme dit à son compagnon : « Ce que Dieu a voulu et ce que tu as voulu (s’accomplit) ! » Ainsi, aucune cause et volonté seconde ne peuvent être hissées au même rang que la volonté de Dieu. Lorsque l’homme se tourne vers les créatures en supposant qu’elle dispose d’un pouvoir qui n’appartient en réalité qu’à Dieu, elles s’écartent du monothéisme pleinement réalisé.
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Ce passage comprend encore cette leçon magistrale : vous qui vivez dans la demeure de votre Seigneur qui vous a donné un toit, un lit, l’eau courante et votre subsistance, comment donc pouvez-vous vous tourner avec ingratitude vers un autre maître, qui habite comme vous dans ces lieux sans en être le propriétaire ?
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L’ordre minutieux de l’univers et l’harmonie de ses éléments démontrent qu’il a nécessairement un Créateur. On demanda à un bédouin : « Qu’est-ce qui prouve l’existence du Seigneur, - Exalté soit-Il - ? » Il répondit : « Gloire à Dieu (sous-entendu : comment peut-on poser une telle question) ! La crotte de chameau prouve avec évidence l’existence du chameau ; les traces de pas prouvent l’existence du voyageur ; un ciel donc pourvu de constellations, et une terre pourvue de chemins, et une mer pourvue de vagues, cela ne démontre-t-il pas l’existence du Subtil Bienveillant, du Parfaitement Connaisseur ? » Ar-Râzî rapporte qu’al-Rashîd avait posé la même question à l’imam Mâlik. Il donna pour preuve la variété des langues, des voix et des mélodies. L’imam Abû Hanîfa a rapporté que certains athées l’avaient interrogé sur l’existence du Créateur - Exalté soit-Il -. Il leur dit : « Laissez-moi, car je suis préoccupé par une affaire dont on m’a parlé. On m’a dit qu’il y a un navire en mer chargé de diverses marchandises, et sur le pont duquel il n’y a personne, ni pour y assurer une bonne garde, ni même pour le conduire. Malgré cela, ce navire va et vient, et se déplace de lui-même, fendant les énormes vagues jusqu’à en venir à bout. Il vogue où il veut, de lui-même, sans être conduit par qui que ce soit. » Ils lui dirent : « Cela, aucun être doué de raison ne peut le raconter ! » L’imam leur dit alors : « Malheur à vous ! Tous ces éléments qui existent, dans les sphères supérieures comme dans les sphères inférieures de l’univers, et les choses qu’ils comprennent, parfaitement composées, tout cela n’a pas de Créateur ? » Ils ne purent articuler une réplique et revinrent à la vérité en se convertissant à l’Islam. L’imam ash-Shâfi‘î a rapporté également qu’il avait été interrogé sur l’existence du Créateur. Il répondit : « Voici la feuille de la mûre. Elle a un même goût. Le ver en consomme et il en ressort de la soie. L’abeille en consomme et il en ressort le miel. L’ovin, le bovin et les camélidés en consomment, et il en ressort le crottin et les excréments. La gazelle en consomme et il en ressort le musc, alors qu’il s’agit d’une même chose. » L’imam Ahmad Ibn Hanbal fut pareillement interrogé. Il déclara : « Voici une citadelle bien protégée, lisse, sans porte ni issue. Ce qui en apparaît est comparable à l’argent blanc, ce qui en est caché est comparable à l’or pur. Alors que cette citadelle est ainsi, voici que son mur se met à se fendre, et qu’en sort un animal qui entend et qui voit, dont l’aspect est beau, et dont la voix est agréable. » Il entendait par là l’œuf dont sort l’oiseau.
Hani Ramadan
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