Imaginons qu’un dignitaire arabe de passage à Genève soit interpellé sous le couvert d’un mandat d’arrêt international, pour les faits précis suivants :
Rapports sexuels avec une jeune fille mineure de 13 ans.
Viol selon le témoignage de la fille.
Aveu, mais consentement de l’enfant selon l’adulte.
Que dirait la presse au niveau international généralement, et en Suisse particulièrement ?
Le scandale permettrait une nouvelle fois à bon nombre de détracteurs de mettre en cause les mœurs islamiques.
On avancerait sans détour que chez nous, dans un Etat de droit, les hommes célèbres et les simples gens sont tous égaux devant la justice.
On proclamerait bien haut que la Suisse ne doit céder à aucun chantage et qu’un délit reste un délit, et qu’il faut donner l’exemple.
Or, que lisons-nous dans la presse aujourd’hui ?
Une consternation générale touche les milieux intellectuels, culturels et politiques en ce qui concerne la détention du génie artistique qui devrait somme toute rester intouchable.
Il y a de quoi s’émouvoir en effet :
Le grand cinéaste était venu au festival de Zurich pour y recevoir un prix.
A six ans, rappelle la presse, il a connu du fait de ses origines juives le ghetto de Cracovie.
Qui ne se souvient de l’assassinat de son épouse Sharon Tate en 1969, enceinte de huit mois, dans des conditions épouvantables.
La jeune fille de treize ans lui a pardonné depuis.
Interrogés par La Tribune de Genève, Dick Marty, Géraldine Savary, Andreas Gros sont indignés par cette arrestation, qui « ne va pas contribuer à améliorer l’image de la Suisse. »
Cela, alors que notre pays n’a fait qu’appliquer des règles juridiques précises, comme l’a rappelé l’Office fédéral de la justice.
Mais non. « Pouvait-on manquer à ce point de sensibilité pour ne pas anticiper le tollé que cette arrestation allait provoquer et les dégâts d’image qu’elle ne manquerait pas d’entraîner ? Car Roman Polanski n’est pas n’importe quel fugitif. Son œuvre a touché le monde entier. Que l’on pense à son film Le Pianiste, qui fait le récit bouleversant de la survie d’un musicien dans le ghetto de Varsovie », rappelle Jean-Claude Vantroyen dans Le Temps (28 septembre 2009).
Le tollé. L’indignation. La stupéfaction.
Les ghettos de Cracovie et de Varsovie.
La prison zurichoise.
L’extradition et l’exil.
Pleurons.
Mais à n’en point douter, une condamnation unanime sans détour pour tous ceux qui ayant commis le même délit, n’ont pas la chance d’être des artistes juifs de renommée internationale !